Proposition théorico-clinique
Jean-Baptiste Legouis
Paris, le 9. I. 2013
« Les mots qui vont surgir savent de nous ce que nous ignorons d’eux. »
René Char
Dans le cadre de notre recherche clinique, nous avons pour habitude, au RPH, de questionner les aspects techniques et stratégiques de notre clinique quotidienne. Ces dernières années, nous avons été amenés à interroger la pratique de la scansion dans le déroulement d’une psychothérapie et/ou d’une psychanalyse. Comment la définir et comment en faire usage ?
Lors d’une réunion clinique, Marie-Hélène Viel, dans une articulation avec sa propre pratique, a proposé deux termes différents pour indiquer la fin de la séance. Elle utilise dans certains cas le terme : « suspension » et dans d’autres le terme : « scansion ». Il semble en effet qu’une séance ne se termine pas toujours de la même façon. Les membres cliniciens du RPH pratiquent des séances à temps variable (nommées « séances lacaniennes » par Fernando de Amorim). Cela signifie que le temps des séances n’est pas fixé à l’avance. Il n’y a donc pas un élément extérieur, montre ou horloge, qui indique le moment de clore la séance. En accord avec Marie-Hélène Viel nous proposons donc deux façons distinctes de clore une séance.
Dans un cas, le clinicien, prend la décision, volontairement, de suspendre la séance. Il peut s’appuyer pour cela sur un long silence du patient ou du psychanalysant, constater que le discours du patient ou du psychanalysant tourne en rond, être pris par un impératif temporel, ou toute autre situation qui l’amène à prendre cette décision. Dans ce cas nous parlerons de suspension de séance. Dans l’autre cas, dans le flot de paroles du patient ou du psychanalysant émerge un signifiant, un mot ou une phrase, qui s’impose au clinicien qui écoute et à celui ou celle qui parle. Quelque chose en lien avec l’inconscient s’exprime, un savoir inconscient qui a effet de vérité et ne laisse d’autre choix au clinicien que de se lever. A ce moment là, nous parlerons de scansion.
Ce genre de parole produit un effet sur le clinicien qui est comme poussé hors de son fauteuil. Ce qui, en retour, produit un effet sur le psychanalysant, qui prend pleinement la mesure de ce qu’il a dit dans l’effet que cela produit sur celui ou celle qui l’écoute. Dans un cas comme dans l’autre le clinicien propose, évidemment, un rendez-vous pour une séance suivante, que ce soit dix minutes plus tard, le lendemain ou quelques jours après.
Je propose pour désigner la fin d’une séance, qu’elle prenne la forme d’une suspension ou d’une scansion, d’utiliser le terme : « levée de séance », puisque, dans un cas comme dans l’autre le clinicien et le patient ou psychanalysant, se lèvent pour quitter la pièce où s’est déroulée la séance.