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L’exclusion du discours psychanalytique dans le traitement de l’autisme

L’autisme avant la psychanalyse

Fernando de Amorim
Paris, le 10. II. 2012

Il est difficile – et pour cela même peu recommandé – de mesurer la recherche clinique à l’aune des opinions publiques ! Laissons les morts enterrer les morts ! Comment l’homme politique – qui a en charge la res publica – peut-il si complaisamment prendre le parti d’une des parties parmi les plus tourmentées ?

Comment étaient-ils traités avant la psychanalyse, les enfants autistes ? Surtout pas en tant qu’êtres dont le désir pouvait être animé, réveillé, réanimé !

J’ai découvert l’autisme en allant prendre le goûter chez une jeune fille après la classe. J’étais très heureux et bâtissais tous les châteaux en Espagne que le chemin m’autorisa : où l’embrasser ; avant ou après le goûter, etc. Une fois chez elle, j’avais remarqué un mouvement bizarre derrière la porte qui menait au garage ; m’approchant, je remarquai une gamelle, un peu plus loin une chaîne bougeait avec, au bout, un jeune garçon de mon âge attaché par la cheville.

Je me souviens que ma camarade se précipita pour fermer la porte et m’avouer que c’était son frère qui était ainsi tenu !

Après, c’est plus confus : ai-je refusé le goûter ? L’ai-je vomi ? Ce dont je suis certain c’est que je n’ai plus voulu l’embrasser. Mon désir s’était évanoui.

Cette vision de l’impuissance de ma camarade, de sa famille et la mienne, m’a poussé probablement, à choisir d’essayer d’être pour quelque chose dans la libération des chaînes de l’être.

Mais j’appris très tôt que cela devait – c’est impératif – passer par la libération de mes propres chaînes. Cet effort n’est pas différent pour une mère ou un père d’autiste.

Mais au lieu de discuter avec les psychanalystes, les associations mettent toute leur puissance de feu pour les accabler, eux qui assurent la clinique de leurs enfants, qui vont se coucher tard, parfois au détriment de leurs propres enfants, pour présenter un cas clinique ou assister à un exposer sur l’autisme ou simplement étudier un nouvel article, un nouveau livre ou simplement réfléchir à la conduite de la cure de l’enfant ou de l’adulte autiste.

Ces comportements des parents sont injustes. Ils, les parents, sont en détresse, mais cela ne justifie pas l’injustice de leurs propos. Au contraire de nous aider, de faire une grande manifestation clinique et d’appeler à la discussion les psychanalystes, par exemple, les associations se liguent contre cet ennemi imaginaire. « Imaginaire » puisqu’aucun psychanalyste n’a jamais maltraité une mère parce que son enfant est autiste.

Les moments de tension pendant le traitement sont inévitables et même salutaires, si cela passe par la parole et non par le passage à l’acte.

Je doute que des parents puissent être en mesure de juger des effets de ces psychothérapies assurés par des psychanalystes. A lire leur écrits et entendre leur paroles, nous ne pouvons que constater que ce qui les anime c’est leur profonde détresse.

La psychanalyse est maltraitée parce que les psychanalystes sont arrivés à des conclusions qui ne donnent pas satisfaction aux parents ? Peut-être les psychanalystes n’ont-ils pas été très clairs, peut-être même maladroits. Je ne sais pas de quoi ils sont accusés cliniquement. Ce que je sais, c’est que le manque de clarté ou la maladresse d’un propos n’exclue en rien le vrai d’un dit.

Le psychanalyste n’est pas d’accord avec l’idée que le désir parental ne soit en rien concerné dans la constitution de l’autisme, comme de n’importe quelle autre expression du désir, car ce faisant, ce n’est pas uniquement l’enfant qui disparaîtra du champ symbolique, ce sera également le désir des parents.

Les psychanalystes ont eu le courage de prendre la problématique par le bout le plus complexe : celui du désir. Ce n’est pas en passant outre sur le désir qui anime mère, père et enfant que nous pourrons bâtir une voie possible, vivable pour l’enfant, la fratrie et ses parents.

En ce sens, les psychanalystes respectent leur tradition qui est de résister au bon sens, à l’aliénation.

En 1926, Hesnard et Laforgue écrivent un article décrivant les symptômes trouvés dans l’autisme. Nous trouvons des cliniciens aux prises avec des symptômes difficiles à cerner. Le désir de l’enfant et celui des parents ne sont pas à l’ordre du jour à ce moment-là. Mais le débat est chaleureux et les avancées sont faites à chaque mot. Je fais référence à l’article de N. Senges en 1929. La clinique psychanalytique a toujours eu cette capacité de réveiller des discussions vives, vivantes. Très loin du mortifère, du répétitif. Exclure la possibilité d’écouter les propositions des psychanalystes, propositions issues de leur expérience, est injuste.

D’où viens cette injustice ? Du désir humain de ne pas savoir sur ce qui l’anime. Les psychanalystes ne sont pas ennemis des parents des enfants autistes, ni de qui que ce soit, d’ailleurs. Ils n’ont pas le temps pour prendre, en plus, en charge cela, ces commérages médiatiques et calculés. En revanche ils sont obligés par leur clinique, par leur colloque entre cliniciens, de témoigner du résultat de leur recherche. Le résultat ne plaît ni aux grecs ni aux troyens ? On ne fait pas de clinique en faisant semblant. Les psychanalystes travaillent sans sadisme mais sans recourir à la pommade du semblant et de l’aliénation.

Je félicite les psychanalystes de dire, d’écrire et de défendre leurs résultats cliniques. Si le résultat de la recherche est faux, comme dans toute recherche scientifique, on fait demi-tour et on cherche une autre voie qui soit plus proche du véritable enjeu concernant l’autisme.

Dans une leçon de son séminaire, en 1959, Lacan dit qu’il est impossible de structurer l’expérience humaine « sans partir de ce fait que l’être humain compte, et qu’il se compte ».

Le fait de compter et de se compter n’épargne aucun être parlant. Qu’il soit étiqueté autiste, parents d’autiste ou psychanalyste.

Les autistes ont beaucoup à gagner à se frotter au discours psychanalytique. Ils ont tout à perdre à être exclus d’une telle opportunité.