Édith de Amorim
Novembre 2018
Au secours Jaïr, Donald :
« Help me tomake Moi great Encore !
Great toujours ! »*
* : (De l’aide pour un Moi extra fort !)
J’en appelle aux Super-Dingo, Picsou et même aux Rapetou, c’est dire, mais aussi, l’heure est grave puisque c’est celle qui pourrait sonner le glas de ma toute puissance imaginaire (la seule qui existe ici-bas). Rendez-vous compte !
Le choix qui m’est fait est celui-ci : ou je continue à dormir comme un sonneur sur mes super pouvoirs, mon tas d’or et mes butins ou je me réveille sans mes cacahuètes, mes millions, mes voleries !
Je ne veux pas renoncer à mes images d’Épinal même si, pour cela, il faut que j’en paye le prix maximum, exorbitant, je veux parler du symptôme. On nous dit (c’est Freud) que ce prix sera toujours plus élevé pour la simple raison que le désir est indestructible alors autant ne pas tarder à le sortir de ses limbes funestes quand bien même originels et de le passer, ce désir, sous les Fourches fussent-elles Caudines du principe de réalité ; en général, elles le sont caudines ces fourches car les limbes sont des précipités d’arrogance et d’orgueil qui n’ont d’égaux que les prétentions de la pauvre grenouille qui s’enfle et en crève (Jean de La Fontaine, Livre I, fable 3, La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf).
Les limbes, les « vrais », sont ceux où se rendit Jésus pour récupérer les justes morts – et non pas les juste morts, hein ? – avant la Rédemption, ce rachat fameux.
Nos limbes à nous, humbles mortels, sont ceux où dès notre naissance nous tombons en pâmoison, victimes d’une trop grande prématurité qui nous livre en pâture au Désir de mère, cet autre trop grand pour être honnête, qui veut au tout petit être que nous sommes son bien, c’est à dire le sien à elle : la bonne mère, qui n’est pas celle qui rime avec Peuchère ! De ces limbes, ces enfers – où tournaille le phallus imaginaire –, la vie, le réel, nous commande d’en sortir et vite, cela porte deux noms : castration symbolique. Elle est aussi autrement dite : renoncement à l’âge d’or, à l’Eden, à l’avant qui était mieux, etc.
Vue des limbes, il faudrait être un sacré con pour préférer la vie hors d’eux. Vus de la vie réelle, il faut être sacrément souffrant pour consentir y végéter toute sa vie.
Pas besoin d’être grand clerc pour comprendre qu’il y a là césure, un peu à l’image des rats de la fable (Jean de La Fontaine, Livre I, fable 9, Le rat de ville et le rat des champs) où celui des champs dit à celui de ville qui l’invitait à des « reliefs d’ortolans » :
« Adieu donc. Fi du plaisir
Que la crainte peut corrompre ! »
On pourrait penser que les citoyens des champs soient, par leur métier même, rompus au réel et à son cortège de frustrations, mais d’évidence, concernant la relation à leurs semblables, ils sont pris dans cet imaginaire de pureté que rien n’altère, déprave, ni corrode. Et c’est ainsi qu’on se retrouve avec des Monsieur Propre® qui clament laver plus blanc et réclament de jouir sans crainte et, surtout, sans honte de leur prétention à se prendre pour le bœuf de belle taille.
Pas de corruption, le rêve éveillé dans tout son éclatant état adamantin et rien ni personne ne viendra en extraire cette chétive pécore qui se voit de la taille du beau bœuf, ni ce rustique qui se croit plus à l’abri car sans tapis de Turquie !
C’est donc à cette actualité brûlante du dernier acte de l’ontogénèse du complexe d’Œdipe que le RPH-École de psychanalyse vous convie Samedi 10 novembre 2018 dès le potron-minet (pas tant que cela, 9h…) à la Salle Vinci 25 rue des Jeûneurs dans le deuxième arrondissement de Paris.
Des fables de Jean, encore
Il s’agit, ici de la quatrième fable du Livre III des fables de Monsieur Jean de La Fontaine – ce grand homme est enterré au Père Lachaise – qui nous est venu à l’esprit :
Les grenouilles qui demandent un Roi
Les grenouilles se lassant
De l’état démocratique,
Par leurs clameurs firent tant
Que Jupin les soumit au pouvoir monarchique.
Il leur tomba du ciel un roi tout pacifique :
Ce roi fit toutefois un tel bruit en tombant,
Que la gent marécageuse,
Gent fort sotte et fort peureuse,
S’alla cacher sous les eaux,
Dans les joncs, les roseaux,
Dans les trous du marécage,
Sans oser de longtemps regarder au visage
Celui qu’elles croyaient être un géant nouveau.
Or c’était un soliveau,
De qui la gravité fit peur à la première
Qui, de le voir s’aventurant,
Osa bien quitter sa tanière.
Elle approcha, mais en tremblant ;
Une autre la suivit, une autre en fit autant :
Il en vint une fourmilière ;
Et leur troupe à la fin se rendit familière
Jusqu’à sauter sur l’épaule du roi.
Le bon sire le souffre et se tient toujours coi.
Jupin en a bientôt la cervelle rompue :
« Donnez-nous, dit ce peuple, un roi qui se remue. »
Le monarque des dieux leur envoie une grue,
Qui les croque, qui les tue,
Qui les gobe à son plaisir ;
Et grenouilles de se plaindre.
Et Jupin de leur dire :« Eh quoi ? votre désir
A ses lois croit-il nous astreindre ?
Vous avez dû premièrement
Garder votre gouvernement ;
Mais, ne l’ayant pas fait, il vous devait suffire
Que votre premier roi fut débonnaire et doux
De celui-ci contentez-vous,
De peur d’en rencontrer un pire.
À samedi 10, chétives pécores qui pouvons encore éviter d’éclater !