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La lettre du RPH de janvier 2018

Lettre du RPH

Édith de Amorim

Janvier 2018

 

Liminaire

 

« (…) Trouver n’est rien. Le difficile est de s’ajouter ce qu’on trouve. (…) »

Ca, c’est cadeau.

Et comme janvier n’en est qu’à ses débuts, je vous offre, en guise de prime contre déprime, une subsidiarité : je ne vous donnerai pas l’auteur (et comme je ne suis pas une tenante de l’écriture inclusive, je vous prie de n’y voir là aucun indice quand au genre de l’écrivain – j’ai largement l’âge d’avoir rompu mes lances contre « le masculin l’emporte sur le féminin » et mesuré combien cela était vain puisque c’était comme ça sinon j’avais zéro à ma dictée et largement l’âge aussi d’avoir pu, su, m’ajouter cette trouvaille du « c’est comme ça » avec l’espace nécessaire, essentiel, vital qui permet une adhésion, disons, flottante) – ; mais si vous le trouvez, ce nom d’auteur, avant la prochaine lettre de février, alors votre nom y sera publié avec la bonne réponse accompagné d’un encomiastique de mon cru.

Si d’aventure personne ne se présentait avec la clé, je lèverai le voile moi-même dans la lettre du mois prochain et je me brosserai le portrait dans le sens du poil.

Maintenant, la lettre de janvier franchit le seuil et peut avancer :

2018 : quel armistice ?

Certes, dit comme ça, c’est un peu triste, un tantinet pessimiste voire même un brin cynique. Détrompez-vous : c’est l’optimum de l’optimisme ! Il suffit d’un peu de réalisme et de bien choisir le conflit que l’on souhaite déconfire. La guerre est finie, les armes au feu, la maîtresse au milieu ! On passe sur « l’autre rive » et on laisse les morts enterrer leurs morts.

Notre problème est que pour signer un armistice, il faut être deux ; et deux suffisamment blessés, exsangues mais aussi deux encore vivant encore, au moins un peu (ce peu, en matière de vivre, c’est déjà l’essentiel et le déjà suffisant) ; ces deux peu riant mais qui bougent encore, doivent se rencontrer pour faire relâche, au moins, a minima.

Inutile de se lancer corps et âme dans le rêve d’une trêve qui n’adviendra que plus tard quand on sera tous morts : on ne va pas passer une vie à faire et à défaire notre tapisserie pour ne pas dire oui aux présents qui veulent nous épouser. J’aime bien Ulysse, mais enfin, il tarde quand même beaucoup et que sais-je, moi, des ensorceleuses et des cyclopes ? Rien. Je me dis qu’il est mort (si je m’aime) ou qu’il prend du bon temps avec une naïade rencontrée en voyage (si je ne m’aime pas).

L’inutilité est chose toujours de trop, elle est l’indice soit d’un esprit grenouille qui se veut faire aussi (au moins) grosse qu’un bœuf, soit d’un esprit chagrin, qui rapetisse avec l’âge qui, lui, grandit.

Foin d’inutile pour 2018 : du concret, du faisable, du réalisable… Je n’ai pas dit que l’utile avait à être facile, attention. D’ailleurs, l’inutile n’est pas commode non plus : pensez à ce qui remplit nos placards, nos armoires, nos tiroirs, nos boudoirs, nos mouchoirs, à ces hasards qu’on se tisse subrepticement, c’est du boulot. L’utile converge souvent (le bougre) avec le difficile, mais je m’empresse d’ajouter que, ce qui aujourd’hui nous apparaît comme difficile, n’est peut-être, voire sans nul doute, qu’une vue de notre esprit encore par trop soumis à l’inutile et ses vapeurs toxiques et pernicieuses, fétides déliquescences d’un désir qu’on croit contraire… aux bonnes mœurs.

Choisissons donc un conflit sur lequel nous aurions entièrement – façon de parler, c’est plutôt qu’on aurait presque – la main ; commençons humblement, gardons l’enhardissement pour 2019 ou 2020. Il y en a tant, plus que des conflits entre nations, ce ne devrait vraiment pas être un problème d’en trouver un. Par exemple : le conflit avec le chocolat, le tabac, le rutabaga ou papa. Autre exemple : le conflit avec le Trésor Public, le Hic, le Sic !, Véronique ou Dominique. Avec l’argent, maman, les rides, le froid, le gris, le dentiste. Avec le verbe grincheux qui nous fait penser l’autre comme crapoussin, crapule ou pire. Avec notre adéphagie qui ne reconnaît pas la fin qu’on voudrait lui intimer !

Mettons un holà-là ; je vous propose un plat unique (marre des bombances) : le conflit psychique. De là où je suis je vois vos mines marries. Allez, quoi, un peu de courage. Même pas. Juste un peu de curiosité puisque vous m’avez suivie jusqu’ici, ce serait vraiment trop bête de vous arrêter en ce chemin que je vous ouvre exprès pour vous, nous.

Le conflit psychique, quésaco ? (Word est vraiment à la page de rien en matière de vocabulaire et d’orthographe, c’est vraiment qu’un grand cheulard de dictionnaire. Je le signale à tous ceux qui pensent qu’ils peuvent compter sur ce « correcteur » : même pas en rêve, débrouillez-vous avec vos doutes et vos lacunes, vous sortirez toujours moins fautifs de l’opération). Ca signifie que la guerre elle est inside Coco, en nous, vous savez bien : les tranchées, la grosse Bertha, Verdun, Alésia, Samothrace, Gravelotte et j’en délaisse de bien meilleures, et c’est en ce for intérieur, autrement dit ce tribunal ouvert nuit et jour où nous n’avons de cesse de nous inculper de fautes en tout genre et de tout temps : passées et, surtout, à venir, telle la prochaine saloperie qu’on s’apprête à faire.

Le conflit psychique, c’est pas compliqué : il lui faut un crétin, un poil méchant, une once veule, un soupçon concupiscent avec un trait de conscience et un Autre (à lire grand autre) qui se prend pour Batman, le Président, voire Dieu. Et c’est parti mon Quiqui. Ca pleure, ça se viande, ça casse, à gogo et le temps, pendant qu’on s’étripe à recommencer la blague du pourvu-que-ça-rate-comme-ça-je-t’emmerde-grave, qui passe et repasse. A cinquante balais tu te retrouves toujours à ne pas avoir fait tes devoirs pour le lendemain. Ou bien à trente, tu te retrouves toujours perplexe parce que tu as eu beau bien faire, ça n’a pas marché. Ou à quarante-cinq tu te retrouves en raz-de-marée car un être tout soudain manque à ton appel.

Le conflit psychique c’est un truc qui ne s’exporte guère (mais qui gicle quand même sur les autres), c’est parfaitement particulier, singulier et prospère. Pour le régler, il n’existe à ce jour qu’un moyen : dire et dire et dire encore et redire et trouver que ce n’est jamais exactement de la même chose qu’on parle et savoir quoi faire avec.

Bref, pour 2018 vous savez où allez. Et, pour ma part, je vous – nous – souhaite une solide adelphixie (Word, à la niche !)

Le cinéma

Le premier janvier, j’suis allée me promener en Argentine, dans le désert argentin, même. Bon c’est un désert pas comme ceux que je connais avec des dunes à n’en plus finir d’un sable d’or qui me fait penser que jamais nous manquerons un jour de sable, mais hormis les quelques pauvres arbustes, il y a bien le vent et des monts, comme des collines chauves.

La fiancée du désert, La novia del desierto. Film argentin et chilien de deux femmes : Cecilia Atán et Valeria Pivato. Deux comédiens, une femme – Paulina Garcia – et un homme – Claudio Rissi, magnifiques de crédibilité tant nuancée.

Les personnages et leur histoire… bof ! C’est l’histoire d’une domestique que ses patrons, à contrecœur, congédient car ils n’ont plus les moyens de lui payer ses gages ; ils lui ont trouvé un employeur dans la famille lointaine à San Juan, très loin de Buenos Aires. Elle prend un autocar qui rend l’âme sur l’autoroute en plein désert non loin d’un lieu de pèlerinage « La défunte » et c’est là que la chose se forme : Teresa est livrée à l’attente et au désespoir de rejoindre la famille de son prochain patron en retard. Ce transit va la transformer. Jusqu’ici tout va bien. Moi, j’étais ravie, j’attendais avec Teresa qu’elle se délivre… Las, les deux réalisatrices n’avaient pas les mêmes attentes. Et leur fin trouvée à Teresa ne me va pas : si elles lui permettent d’y laisser sa virginité, elles la rendent à son destin de vierge Marie : mère aimante du fils de sa patronne qu’elle a élevé comme le sien et pour qui elle abandonne le seul homme d’une seule de ses nuits où elle bascule.

Beurk, quel destin ! Surtout que son amant, il est touchant !