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Qui était Jacques Lacan ?

Lacan

Fernando de Amorim
Paris, le 11. VIII. 2011

Je viens de recevoir le « Calendrier Lacan », mis en place par Judith Miller ; dans ce programme nous lisons la présentation du film Rendez-vous chez Lacan, réalisé par Gérard Miller. Ce dernier présente Lacan comme un « praticien et théoricien hors pair ». Lacan n’était pas un praticien. Un praticien respecte la procédure, la méthode et la technique, ici en l’occurrence, psychanalytique. Par exemple, au sein de l’IPA, le fait même d’être membre de cette organisation fait de chacun, au mieux, un praticien, au pire, un technicien de la psychanalyse.

Lacan, lui, était un clinicien génial. Il respectait la méthode, la technique et y mettait du sien. C’est la distinction que je fais entre un technicien, un praticien et un clinicien de la psychanalyse.

Un technicien suit aveuglément la règle établie, sans contester, sans co-tester, dans le sens latin du cum, du tester avec le malade, le patient ou le psychanalysant. Il décline un test de Rorschach, il prescrit 40 mg/jour d’Haldol, il lève la séance, sans que le désir de l’Autre entre en ligne de compte dans son équation.

Le psychanalyste en levant la séance vise à pousser le moi de l’acte opératoire, non pas l’être.

Il vise à mettre en évidence, à l’honneur, une parole bien dite, son désaccord adressé à l’ego gonflé, non pas à l’être. Nous rencontrons de plus en plus fréquemment des techniciens en médecine humaine et vétérinaire. La médecine humaine se vétérinairise et celle, vétérinaire, se chosifie. Nos vaches ne s’appellent plus mimosa. Elles ne sont plus nommées et cela n’est pas sans effet non seulement sur la production du lait mais aussi sur son goût ! Elles deviennent folles et sans que, pour cela, entre en ligne de compte l’encéphalopathie spongiforme bovine, mais du fait de la perte de leur statut d’animal de la maison. Sans les mots, nos sœurs vaches, comme disait Hélder Camara à la manière de François d’Assise, perdent leur repère. Cela me rappelle les mots qu’Édith proféra après l’intervention de Jacques-Alain sur les ondes de France Culture : « Il aime l’aimer [Lacan] et il n’a pas peur de le dire ».

Le praticien, pour revenir à ce qui m’inspire à écrire cette brève, respecte la technique, la méthode mais s’essouffle à la perspective de pousser, dans le sens de la pulsion, au-delà de ce qui était établi auparavant. Il suit la règle en la respectant, avec le sourire mais sans questionner au nom du savoir, ce qui est différent de questionner « pour faire chier l’Autre ». En ce sens, Lacan ne peut pas être considéré un praticien.

L’IPA a voulu museler le désir de Lacan parce qu’une multinationale ne peut pas exister soutenu par le désir. Elle marche, comme toute entreprise d’allure mondiale, au pas cadencé.

Le clinicien met de son désir parce qu’il aime ça, il ne demande que ça. Il invente, soutenu par le désir qui l’anime, et dans le cas du clinicien, qui anime celles et ceux qui viennent lui rendre visite. Et c’est ainsi que des chemins nouveaux s’ouvrent au savoir.

Un clinicien est enroulé dans les filets du désir et c’est pour ça qu’il n’a pas froid. Il est chaleureusement enveloppé.

Oui, vraiment, incontestablement, Lacan était un clinicien génial !