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La lettre du RPH de décembre 2017


Lettre du RPH

Édith de Amorim

C’est décembre 2017

L’économe de la Rue du Bac

… … … Heu … … …

… … … … Pourquoi laisser la biffure ? Parce que… D’abord, je trouvai beau le titre mais, las, sa beauté ne m’a pas aidée, pas inspirée. Tout au contraire, elle m’a bel et bien figée. Alors je me résous à l’abandonner en choisissant cette manière de l’enterrer : j’en fais mes gros titres ! (Reconnaissez que c’est de saison.)

Je ne sais plus si Charlie Hebdo publie encore sa rubrique « Les unes auxquelles vous avez échappé cette semaine » qui était une manière de ne pas renoncer totalement à l’idée qui ne mène à rien, qui est stérile. Un peu comme Charlie, j’ai moi aussi du mal à renoncer à ce titre beau.

Or, c’est une mauvaise chose que de ne pas supporter d’avoir à renoncer, je l’admets et vous demande de bien vouloir excuser cette monstration de ce qui aurait pu être et qui n’est pas. « J’aurai pu » : beurk ; un imaginaire qui renâcle ! Beuh, c’est moche.

C’est moche, parce qu’une rature ça jure, ça tranche, ça gâche… Voui.

Mais voilà, je n’ai peut-être pas plus d’un tour dans mon sac, mais au moins j’en ai un et plutôt bien filé. Je choisis, de la sorte, de partir de ce blocage et de vous parler de l’effet le plus laid de la castration imaginaire, c’est-à-dire celle qui s’échine, s’évertue, à montrer ce qui est coupé, ce qui manque. Bien sûr, c’est dans le droit fil du dernier colloque du RPH qui s’est tenu le 18 novembre passé et passé de belle manière ! A ce propos, si vous souhaitez en savoir davantage, les vidéos sont à votre disposition.

Mais, voici, voilà, le titre véritable à défaut que d’être beau :

La rature

Ce qui est fait, est fait, on le sait très bien et même par cœur ; ce que l’on sait moins bien, en revanche, c’est que ce qui est fait qui rate est fait justement pour rater. Car alors, avec ce qui rate, advient tout de même ce bout de désir, tout biffé, raturé, rayé qu’il soit, peu importe pourvu qu’il ne soit pas barré.

Barré est à entendre, ici, au sens de la castration symbolique : /œ̃poSible/ qui s’entend comme « impossible » et non comme « un possible » dont on nous aurait privé, ça c’est quand on est pris dans la castration imaginaire. Capisci ?

Or, c’est ce qui n’en finit pas de n’être pas barré qu’on raye à l’infini sans s’apercevoir qu’on est pris dans le gelé, le pétrifié, le sclérosé, l’arrêt sur l’image.

C’est tandis qu’on se retrouve dans la boucle, que ça répète, recommence, répète et recommence.

Ainsi, de ce titre dont il ne reste que la trace pour prix de mon labeur.

Ainsi, de ce pénis qu’une femme ne finit pas de ne pas avoir.

Ainsi, de cette fortune qu’on traque à grand frais de grattages, tombolas ou trompeurs.

Ainsi, de cette beauté, la nôtre, qu’on tracasse et lancine pour comble de notre désespoir.

Ainsi, de cette Jérusalem qui, de son « (…) cheval entre le statut de hefker et celui de hekdesh. » (des noms d’objets : pour le premier qui est rejeté par son propriétaire, le second qui perd la possibilité d’être possédé mais gagne celle d’être consacré) (David Meyer, rabbin, professeur à l’Université grégorienne pontificale de Rome, dans une tribune parue dans Le Monde daté du 8 décembre 2017 intitulée Jérusalem, ni capitale d’Israël, ni capitale de Palestine), cette Jérusalem donc, se retrouve dans la boue d’un « en bas » sans élan ni allant loin de l’idée que « … la « Jérusalem d’en haut » attire vers elle la réalité politique de la « Jérusalem d’en bas », au lieu que cette dernière fasse tomber dans le ridicule de la possession humaine l’idée d’une « Jérusalem d’en haut ». » (Ibid.).

Ainsi, avis aux hiérosolymitains et aux hiérosolymitaines : Jérusalem appartient au Ciel. Mais quelque chose me dit que la castration symbolique n’est pas pour demain, ni pour l’année prochaine dans cette histoire.

Ainsi, de ce Donald Trump héros des hérauts, grand porteur devant tous les porteurs de messages de foi-dure en ses biceps plein ses manches, en sa force terrifiante et inquiétant tout le monde à l’exception de son alter ego, Kim Jong-un, qui se croit, lui aussi, plus fort que ce reste du monde qu’incarne à ses yeux ce Donald.

Ainsi, lorsqu’on vous dit que la castration imaginaire conduit l’être à tenter le diable c’est que c’est vrai. Seule la castration symbolique nous permet de faire face aux conséquences de nos actes, tels que le réchauffement climatique, l’extinction de la pie-grièche à poitrine rose ou du Cricetus cricetus, ou encore du dauphin d’Hector, de l’impossibilité de nager dans la Seine et de la saignée de la forêt amazonienne, et là nous n’avons pas à faire à du vrai mais à du réel.

Sauf que, ne rêvons pas, elle a beau être dite « symbolique » elle n’en reste pas moins douloureuse. Il faut apprendre à renoncer. Renoncer, dès 1255, avait le sens de « cesser, par une décision volontaire, de prétendre à quelque chose ».

Et si vous pensez que c’est facile de cesser de prétendre à quelque chose du simple fait que cette chose n’existerait pas, vous vous trompez lourdement, car si cette « chose » existe dans notre imaginaire, alors elle ek-siste.

Sur ce, je vous laisse à vos croyances de décembre et je fais le vœu que vous y trouverez une jolie épingle à tirer de ce jeu.

Quant à mon économe de la Rue du Bac, ce sera pour « l’année prochaine à Jérusalem ».