Élodie Chopard, Paris le 21 mars 2020
Durant cette période particulière, vivre en couple ou en famille n’est pas plus simple que de vivre seul. Contrairement à l’idée commune, le sentiment d’isolement ne signifie pas d’être laissé seul, car ce ressenti est aussi partagé par les personnes qui cohabitent à plusieurs. Il peut être difficile d’échanger verbalement au quotidien avec son entourage parce que les espaces partagés ne le permettent pas ou bien parce que la famille, le conjoint, l’entourage sont omniprésents.
Ce sentiment d’isolement provient surtout du fait que l’autre manque à l’appel. Que, même lorsque le (la) partenaire, le (la) colocataire, le parent ou l’enfant est physiquement présent, on ne peut pas lui dire ce qu’on a en tête. De même que les discussions sur les réseaux sociaux ou par téléphone ne suffisent pas à résorber le sentiment d’angoisse, d’ennui voir de détresse psychique. En effet, ne pas partager ses craintes et ses questionnements à ceux qui vivent à nos côtés permet de préserver des espaces d’intimité, de singularité qui sont essentiels en temps de confinement. Alors, les pensées obsédantes, les ruminements mentaux et les questionnements sur soi ne sont pas l’effet de la privation du dehors mais bien plutôt du contexte qui les rend visibles à celui qui les affronte. Car, ce sentiment d’isolement est aussi, comme on l’entend quotidiennement dans les médias, une occasion d’être face à soi-même, de faire son introspection ou encore de faire le point.
Nombreuses sont les personnes qui souffrent de leurs pensées et dans leur corps durant ce confinement. Les mères de famille qui élèvent seule leurs enfants, les étudiants de retour en famille ou encore les personnes vivant seules, sans emploi pour structurer le temps et rythmer les journées par exemple. Les parents en souffrance durant le confinement, débordés par les demandes de leurs enfants, ne parviennent pas à donner du sens à l’espace et au temps commun. Celles et ceux qui se vivaient auparavant seulement comme des parents « pourvoyeurs de nourriture, de châtiments ou d’occupations » se sentent désormais démunis lorsqu’ils doivent jouer de longs moments avec leurs enfants et faire preuve de créativité et de persévérance à leurs côtés. La position de mère et de père célibataire par exemple, inscrit l’être dans un sentiment d’isolement en particulier lorsqu’il s’agit « de jouer les deux rôles auprès des enfants ». Le parent « isolé » souffre de sa relation parfois « fusionnel à son enfant » et cède sur son autorité ce qui conduit à des liens pathologiques de dépendance affective et de chantage répété du type : « Si je dis non à mon enfant il se met en colère, m’insulte et me faitdu chantage affectif. »
Quand le parent croit la parole de l’enfant menaçant, oubliant de fait sa capacité à mimer l’adulte et son immaturité psychique, il l’investit d’un pouvoir illusoire. Il n’est pas rare d’entendre des mères célibataires dire : « Mon fils pense qu’il est l’homme de la maison. » Cette ambivalence entre les places de chacun au sein du foyer et les positions symboliques qui les soutiennent, est exacerbée en temps de confinement – l’homme de la maison c’est celui qui subvient aux besoins de sa famille, la mère c’est la compagne du père, le beau-père est celui que la mère a choisi pour vivre à ses côtés, etc.- Nombre de parents se disent « dépassés », « se sentent isolés » et ne trouvent pas l’assise symbolique leur donnant autorité à la maison. Dans ce sens, les membres cliniciens du réseau RPH (Réseau pour la Psychanalyse à l’Hôpital) répondent à la détresse de ces parents isolés en proposant le Service d’Écoute Téléphonique d’Urgence (SETU ?) accessible 7j/7 et 24h/24 au 01-45-26-81-30. Les consultations téléphoniques durant la période de confinement tiennent compte des possibilités financières de chacun pour que l’être s’engage en psychothérapie en ces temps propices.