L’organisation nouvelle
Fernando de Amorim
Paris, le 8. I. 2012
Freud avait fait la communication suivante lors du Ve Congrès psychanalytique, à Budapest, en septembre 1918. Intitulée « Les voies nouvelles de la thérapie psychanalytique », elle a toujours été, pour moi, une sorte de bon conseil qu’un clinicien peut donner à un chef d’État sensible à la santé psychique et corporelle du peuple qui lui avait fait confiance pour présider aux destinées de la nation, le temps d’un mandat. Le lecteur verra qu’il ne s’agit pas d’une injonction, mais d’une hypothèse de travail, d’un souhait freudien.
Souhaitons qu’en 2012, en France, le nouveau gouvernement puisse parier sur une organisation nouvelle de la santé mentale. Dans cette organisation nouvelle, le gouvernement sera sensible au travail des psychanalystes qui, sans rien demander, juste par le paiement d’une dette symbolique à la psychanalyse, reçoivent gratuitement ou à coût très modique, des patients qui, sans cette aide, seraient dans les asiles ou dans la rue.
Voici un extrait de la communication :
« Admettons maintenant que, grâce à quelque organisation nouvelle, le nombre d’analystes s’accroisse à tel point que nous parvenions à traiter des foules de gens. On peut prévoir, d’autre part, qu’un jour la conscience sociale s’éveillera et rappellera à toute la collectivité que les pauvres ont les mêmes droits à un secours psychique qu’à l’aide chirurgicale qui lui est déjà assurée par la chirurgie salvatrice. La société reconnaîtra aussi que la santé publique n’est pas moins menacée par les névroses que par la tuberculose. Les maladies névrotiques ne doivent pas être abandonnées aux efforts impuissants de charitables particuliers. A ce moment-là on édifiera des établissements, des cliniques, ayant à leurs têtes des médecins psychanalystes qualifiés et où l’on s’efforcera, à l’aide de l’analyse, de préserver la résistance et l’activité des hommes qui, sans cela, s’adonneraient à la boisson, à des femmes qui succomberaient sous le poids des frustrations, à des enfants qui n’auront le choix qu’entre la dépravation et la névrose. Ces traitements seront gratuits. Peut-être faudra-t-il longtemps, encore, avant que l’État reconnaisse l’urgence de ces obligations. Les conditions actuelles peuvent aussi retarder notablement ces innovations et il est probable que les premiers instituts de ce genre seront dus à l’initiative privée, mais il faudra bien qu’un jour ou l’autre la nécessité en soit reconnue. »
Le RPH maintient sa consultation grâce à l’argent de ses membres, au paiement, selon les moyens des patients, et le désir juvénile et vivant des étudiants. Chez nous, donc, la consultation pourra être gratuite.
Nous travaillons tous pour que, dans la mesure du possible, le citoyen puisse, ayant la tranquillité nécessaire de l’esprit, retourner à la vie sociale. Et pour celles et ceux qui ne sont pas encore prêts, nous créons, voire bricolons, comme nous l’apprend la psychanalyse, des solutions.
Les psychanalystes ne nourrissent pas une place où l’homme pauvre est traité en nourrisson affamé. Ils cherchent, et parfois trouvent, chez l’être malade ou le patient, la puissance, pour retourner sur le chemin de l’amour et du travail.
Le gouvernement devrait penser à une réforme de la santé mentale en mettant en évidence la formation des jeunes étudiants en psychologie. C’est terrible de les voir passer des années à étudier des théories sans se frotter à la vie la vraie, celle qu’on rencontre hors des murs des hôpitaux psychiatriques et des universités.
La priorité de la santé mentale passe par l’éducation des jeunes cliniciens.