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Réactions sur le débat à venir sur la santé mentale des français

Réactions en lien avec le débat à venir sur la santé mentale des parisiens en vue des prochaines élections de 2012.

Présomptueux

Fernando de Amorim 

Paris, le 10. I. 2012

Un psychiatre m’avait félicité récemment pour mon initiative de mettre en place une discussion entre les candidats à la présidence de la République et les acteurs de la santé mentale en France. Il n’avait, cependant, pas manqué de me signaler qu’il aurait été « présomptueux » de croire que les candidats viendraient personnellement à ce débat. 

Il faut donc bien que je m’explique ! Je n’attends pas le candidat physiquement. S’il souhaite venir, s’il trouve le temps pour cela, qu’il sache, d’ores et déjà, qu’il sera le bienvenu et reçu avec gentillesse et respect. 


J’attends que le candidat ou son représentant puisse exposer ses idées sur son projet pour la santé mentale des français. Ensuite je posterai le débat sur le site du RPH (www.rphweb.fr). Ainsi, le RPH attirera des voix pour les candidats qui porteront les idées les plus intéressantes pour la santé mentale des français. En un mot, notre école divulguera, auprès de ses contacts sur l’internet et par la voie de son site, les idées des candidats contribuant ainsi au débat démocratique. 

Pour exposer des idées sur la santé mentale, je ne pense pas que les candidats soient en eux-mêmes qualifiés pour en discuter avec les professionnels de la santé. Ce sont leurs conseillers, collaborateurs, qui seront avec lui ou qui viendront en son nom – ou celui de son parti – écouter et discuter nos propositions.

 
Ainsi, même si le candidat n’est pas le plus apte pour en discuter avec nous, il aura, le moment venu d’être Président de la République, un Ministre de la Santé et des collaborateurs qui se souviendront de cette soirée du jeudi 5 avril au cours de laquelle des professionnels lui auront parlé de leur inquiétude et fait des propositions. 


D’où l’importance que les acteurs de la santé mentale soient unis dans ce débat. 

L’organisation du débat sur la santé mentale des français aura lieu le Jeudi 5 Avril 2012 à l’espace Saint Sulpice de 21h à 23h30. Il compte dès maintenant, sur la présence de Corinne Lepage, François Hollande Dominique de Villepin et François Bayrou. 


Ce débat appelle des positions politiques sur les points cruciaux de la santé mentale pour le prochain mandat présidentiel. 


La présence des psychanalystes, psychiatres, psychologues, étudiants en médecine, psychologie et psychiatrie, des infirmiers psychiatriques, des universitaires est fondamentale. 


Sera-ce présomptueux de ma part de compter sur elle ? Ce n’est pas ce que je pense ! 


En comptant sur vous,

Fabrique de peur

Monsieur,

Ne vous connaissant pas, je veux bien choisir l’option de votre bonne foi. Ce n’est pas être sectaire que de n’accorder aucune confiance dans le FN car ce parti prône ouvertement la haine raciale ainsi par ailleurs qu’un libéralisme forcené que les néo-conservateurs états-uniens n’ont rien à envier.

 
Monsieur Le Pen est le plus vieux politique français, il n’a jamais infléchi ou modifié son positionnement depuis sa première élection à la fin des années 1950. Mademoiselle Sa Fille, certes plus policée, pêche dans les mêmes eaux et n’en fait aucun mystère. Quant à l’UMP, voici 10 ans qu’elle gouverne libre de toute contrainte, avec les résultats que l’on sait. 

On peut espérer, bien sûr, que les tigres mangeront un jour de la salade… Avertissez-moi quand vous l’aurez effectivement constaté car pour ma part, je n’ai nulle envie d’en faire l’expérience. 

M. P.


Paris, le 2. II. 2012

Monsieur,

Merci pour votre lettre. Toutefois, il ne s’agit pas là, chez moi, de bonne foi, mais de manque d’innocence.  Nier un parti, reconnu démocratiquement, est une erreur qui pourrait prêter à rire… Mais je suis fils d’un blanc et d’une indienne du fin fond du Brésil, je vous laisse imaginer à quel point je n’ai pas la tête de l’emploi souhaitée par une partie de Français frontistes assumés… 

Et pourtant je suis Français et très heureux d’en être. Imaginez mon ravissement à pouvoir me disputer par mail, comme c’était le cas avec une très chère amie hier matin -je l’aime tellement que je me suis donné la peine de lui répondre ! En revanche, ailleurs, bien loin des terres de France, si on n’est pas d’accord on insulte, on maltraite, on tue ! 


Pour moi, ne pas discuter raisonnablement, avec logique, avec des arguments cliniques, statistiques avec les candidats et quel que soit leur parti, c’est leur laisser champ libre pour pérorer, pour séduire, pour se cantonner dans cette position de celui qui fait peur parce qu’il a raison ou de celui qui est détesté parce qu’il a raison, c’est laisser la porte ouverte à leur fabrique de peurs. 


Eux, ils produisent de la peur et, parce que je ne veux pas céder à l’imaginaire, alors au contraire de discuter avec moi, de m’orienter, de m’aiguiller, de me signaler mes erreurs, on me tire dans les pattes… on se rallie contre moi ! 


Il faut bien que j’en rie pour ne pas céder ni à la colère, ni au découragement car c’est là retrouver un chemin que j’ai pratiqué, arpenté,  bien avant ma psychanalyse, celui d’une jouissance que, désormais, je préfère éviter. 

Je connais l’histoire des partis politiques, tout comme je suis très attentif à l’évolution de la société française et pour moi, discuter, rassembler autour d’idées républicaines  est un devoir. Je ne discute pas d’économie parce que je n’y connais pas grand-chose. C’est la santé mentale qui me branche ! Directeur d’une consultation publique, nous, mon équipe et moi, recevons par semaine des dizaines de personnes qui sont mal logées, n’ont pas de travail, ne mangent pas à leur faim et qui viennent parler pour créer une solution pour leur vie. 

J’organise un débat pour que les candidats disent ce qu’ils veulent proposer concrètement aux professionnels de la santé mentale et pour la population, celle-là que mon équipe et moi-même (12 cliniciens au total, tous diplômés, psychanalysés et formés par l’école psychanalytique française) rencontrons tous les jours. Ce ne sont pas des étudiants, comme l’avait insinué une méchante personne (comme si être étudiant c’était être métèque, pour rebondir sur le mauvais witz de mon camarade J.-J. M.). 


Je suis, à mon âge, un  étudiant ! J’étudie tous les jours, comme un enfant, appliqué. Il faut signaler que ce mépris affiché ouvertement envers les étudiants vient d’une personne qui gagne sa vie en tant qu’enseignante de fac ! 


La famille Le Pen est la dernière de mes préoccupations. Le FN pour moi est un parti politique reconnu par les lois de la république et qui, comme tel, perçoit l’argent de mes impôts. Donc en tant que clinicien engagé dans la Cité, membre actif de la société où je vis, il me paraît tout à fait normal d’interroger le programme de la candidate à la présidentielle de ce parti.

Je n’attends rien de particulier des candidats, comme je n’attends rien des tigres. J’attends que le nouveau président de la république sache que la communauté psy est une communauté qui sera présente au rendez du 5 avril, qui aura accès à la discussion par l’internet (au minimum 2500 visites par mois dans notre site www.rphweb.fr ) et que ce qu’il aura dit le 5 pèsera sur la balance de son élection.

Cordialement,


Fernando de Amorim

Le débat est ses bâts

 

Edith de Amorim

Paris, 1. II. 2012

Le débat du 5 avril prochain produit des bâts qui blessent ! 


Le premier d’entre eux, sans doute possible, éclaire cette tour du guet Psy et son mot d’ordre : pas de frontiste à l’horizon ! Ah bon ? 


On a beau savoir depuis Lacan – ça fait peu de temps, certes, mais on sait depuis plus longtemps que la valeur n’attend rien du nombre des années – que le psychanalyste est exclu du réel mais qu’est-ce qui empêche la personne du psychanalyste d’en tenir compte, de ce réel, et notamment lors d’un temps électoral et sociétal ? 


Las ! Qu’il y en ait encore pour agir cette farce du loin-des-yeux-loin-du-cœur est proprement navrant, c’est dit ! 


Le second mais non le moindre bât qui blesse, et plus profondément, est le scepticisme foncier qui accueille la nouvelle que les candidats – ou leur représentant – se présenteront à ce débat organisé traduisant en cela cette croyance en un Politique qui ne se meut que sous les ors et les lambris aux sons de trompettes autorisées et en la présence de l’aréopage consacré ! 


Ce bât qui écrase l’élan et fouaille le désir traduit bien, lui, la sape repérable entre mille d’un imaginaire chagrin d’un désamour immarcescible ! 


Or, le temps est à la campagne électorale, à la pêche au gros des voix, à la gagne ! Quel dommage de n’en faire qu’un usage comme il est d’usage, désabusé !

Le débat du jeudi 5 avril prochain a déjà commencé !

Pour preuve, voici un échange de mails où les interlocuteurs


– François Gonon, neurobiologiste, directeur de recherche CNRS à l’institut des maladies neurodégénératives, université de Bordeaux et Edith de Amorim, psychanalyste,  pour le RPH


en quelques lignes, en quelques mots, établissent un premier tour qui n’élude rien des difficultés qui attendent non seulement les organisateurs du débat mais aussi tout citoyen qui tente de se saisir d’une représentation de la démocratie !

Cher François,


Permettez-moi de vous présenter ainsi qu’à vos proches, famille, équipes, mes meilleurs vœux pour cette nouvelle année. 


Je vous avais promis de vous tenir informé de la date de notre prochain colloque : il aura lieu le samedi 12 mai et portera sur la perversion (sens dessus dessous) – cf. pièce jointe. 


Toutefois, entretemps, et puisque 2012, outre d’être bissextile, est électorale le RPH organise un débat avec les différents candidats de la campagne présidentielle sur le thème de la santé mentale en France ; or, votre article paru dans Esprit de novembre dernier me reste en mémoire et je souhaitais en premier lieu savoir si vous seriez intéressé à participer à ce débat qui se tiendra le jeudi 5 avril prochain. 


J’espère avoir très bientôt de vos nouvelles et connaître vos intentions quant à ces deux évènements très importants pour le RPH


Très cordialement 

Edith de Amorim 




Bonjour,

Je partage votre point de vue: il faut profiter de la campagne électorale pour relancer le débat sur la psychiatrie en France. 


Par contre je pense qu’il faudrait une démarche plus cohérente: si chaque association, chaque mouvement impliqué dans la santé mentale en France organise de son côté le genre de débat que vous proposez pour le 5 avril, je crains que la portée de chaque initiative soit très limitée. 

Pour moi ce qui ne va pas dans le champ de la santé mentale c’est que les promoteurs d’une psychiatrie biologique réductionniste prétendent s’appuyer sur les découvertes des neurosciences alors que la portée de celles-ci est trop souvent largement exagérée. Pour améliorer cette situation il faut renforcer l’éthique de la communication scientifique en agissant autant sur les chercheurs que sur les journalistes. Cela implique que le financement des recherches en neurosciences soit moins dépendant des promesses d’applications à court terme.

Cordialement
François Gonon 




Cher François,


Merci pour votre réponse… même si vous soulevez un point qui ne nous a cependant pas échappé quant à la cohérence de notre démarche ! 


Sur ce point, je puis vous assurer que nous avons approché tous les azimuts du monde “psy” : psychanalystes des différentes écoles bien sûr mais également les psychiatres, les psychologues, les psychothérapeutes… Las, pour l’instant nous nous retrouvons en l’état où je me suis trouvée de vous joindre ! 


Mais est-ce une raison pour laisser passer l’opportunité de ce calendrier qui nous offre de toucher – peut-être – la sensibilité du futur Président concernant ce thème ô combien délicat de la santé mentale ? 


Le point que vous soulevez dans votre mail vaut à lui seul un débat !

Cordialement

Edith de Amorim

Toulouse

Fernando de Amorim 

Paris, le 21. III. 2012

Le réel s’impose – il ne s’invite pas, il ne s’invite jamais puisqu’il est chez lui – dans la campagne présidentielle française, dans notre société et, comme à son habitude, dans nos vies. Que les politiciens puissent suspendre sans concertation leur campagne comme témoignage de solidarité aux familles douloureusement blessées, cela semble aller de soi ; que le gouvernement puisse déployer une armada de policiers, d’enquêteurs, c’est normal. 


Mais ne nous y trompons pas : le nombre de personnes psychiquement à bout va croissant. Et elles sont, pour la plupart, sans soin et dans la nature. 


Drame que nous vivons nous oblige et notamment à réfléchir à ce que j’avais appelé une politique de santé mentale pour la France


De ces tueries à Toulouse nous pouvons tirer déjà quelques enseignements : le déploiement policier, la traque de l’homme – comme l’écrivent les journaux -, la suspension de la campagne présidentielle, sont des réactions immédiates, commandées pour les unes par la nécessité de rétablir la paix, la sécurité, pour les autres par l’affect. Force est restée à la Loi… 


Mais que reste-t-il, après de tels évènements, de force pour la prévention ? 


Depuis des années, des psychanalystes, des psychistes de tous horizons universitaires mais inspirés par la psychanalyse, sa clinique et son éthique, portent une écoute à des gens qui pouvaient, dans un accès de folie meurtrière, tuer ou se tuer. Et qui, grâce à cette écoute, arrivent parfois à trouver une logique autre que la destruction de soi ou de l’autre pour leur existence. C’est le pain quotidien des cliniciens de la santé mentale en France. Et l’État coupe les vivres aux associations, aux CMP, aux hôpitaux. Où est la voie médicamenteuse, du dressage pseudo-thérapeutique, face au carnage ? La psychanalyse fait mieux ? Oui, elle fait toujours mieux, en contenant, par la parole, la folie. Quand la parole elle-même est aphone, à ce moment-là, les médicaments, voire l’hospitalisation sont les voies possibles. Je ne suis pas contre ni la prise psychopharmacologique, ni l’hospitalisation psychiatrique. Je suis en désaccord avec une politique où le lobbying prend le dessus sur la clinique. Il nous faut une politique de concertation pour la mise en place d’une politique de santé mentale. C’est par la prévention, le désamorçage de la haine aveugle que la société peut aller de  l’avant. La tuerie de Toulouse est la preuve malheureuse, terrible, accablante – comme le sont toujours les preuves – de ce que la santé mentale doit être au cœur des débats politiques. L’acte est raciste, mûrement réfléchi, organisé, certes, mais il n’en demeure pas moins qu’il reste l’acte d’une personne souffrant psychiquement. Le réel est, indépendamment du fait que ses hôtes soient nés en ici, là-bas, ailleurs.