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Le choix des mots ou la psychanalyse volontairement ignorée III

« Troubles neurologiques fonctionnels : les patients en mal de reconnaissance »
dans le dossier du Monde scientifique[1]

BRÈVE 3

Laure Baudiment
Paris, le 13 septembre 2024

À l’époque où les êtres et les « Moi-phalliqueux » sont fiers d’exhiber leur bulletin de vote pour le pire – suffit-il de changer de nom pour changer de structure, de nature ? – le mot « hystérique » est ainsi devenu un gros mot, presque une insulte. Il est banni du vocabulaire médical. Ces troubles décrits comme « Méconnus » sont parfaitement connus des professionnels de la psyché. La journaliste écrit qu’ils sont « Méconnus » et qu’« ils constituent pourtant le deuxième motif de consultation en neurologie ». La dénégation et le refoulement sont ici à l’œuvre. Les psychanalystes sont les spécialistes de l’inconscient et des troubles neurologiques fonctionnels.

Les arguments de la journaliste de l’article du Monde : « Une diapositive projetée au mur liste les idées reçues sur les TNF : pseudo-crise, simulation, hystérie… Si ce dernier mot date de l’Antiquité, il renvoie surtout au neurologue Jean-Martin Charcot. Au XIXe siècle, il exhibait ses patientes en public en déclenchant leurs crises par hypnose. Par la suite, ces manifestations ont connu diverses dénominations (troubles médicalement non expliqués, trouble conversif, trouble psychogène…). Les termes de « troubles neurologiques fonctionnels » font aujourd’hui consensus : les symptômes ne sont pas dus à des lésions du système nerveux central, mais à son dysfonctionnement. »[2] Cette relecture de l’histoire de l’hystérie laisse songeur : époque où font florès la réécriture d’évènements, le rabaissement des chercheurs ayant contribué à la connaissance des symptômes hystériques, ouvrant à cette banalisation d’une lecture faussée du fonctionnement de la psyché humaine, cette interdiction d’utiliser certains mots sous prétexte qu’ils datent, qu’ils stigmatisent ou sont des « idées reçues » ! Tous les prétextes sont bons semble-t-il pour ignorer sciemment l’apport freudien, la subjectivité des êtres et leur responsabilité.

Accuser le cerveau de tous les maux ne fait que décharger les êtres de leur responsabilité. Ils vivotent et sont traités comme des balles de ping-pong : « des patients ‘ping-pong’, renvoyés entre différents spécialistes qui les rejettent ». Ignorant, spécialistes comme patients, que le spécialiste de leur pathologie, troubles ou symptômes c’est le psychanalyste. Une psychanalyse permet à l’être de se rencontrer lui-même et de se demander en quoi il est pour quelque chose dans ce qui lui arrive. Encore faut-il avoir le courage de se dégager de son Moi pour arriver à son être. Le psychanalyste, spécialiste de la psyché et du corps, et de leurs souffrances, est actuellement systématiquement ignoré par les médias, les autres professionnels qui gagnent leur vie à coup d’EMDR, de FTT, et autres sigles, drapeaux du règne des neurosciences qui vident les êtres de leur substantifique moëlle : l’inconscient ! Toutes ces techniques de rééducation moïque évitent la rencontre avec la castration symbolique et le manque. Oui, les malades souffrant de conversion errent tandis que les psychanalystes travaillent quotidiennement pour offrir la possibilité à leurs congénères de sortir de leur misère humaine, quelle qu’elle soit, sans a priori, sans jugements, quelle que soit la structure psychique de l’être. De l’ombre à la lumière, il n’y a que quelques mots.


[1] Pepy, L. « « Troubles neurologiques fonctionnels : les patients en mal de reconnaissance ». Le Monde, Science & médecine, 3 juillet 2024, pp. 1-4-5.
[2] Ibid. p. 4.

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