Paris, le 16 décembre 2022
Avec 72 470 consultations, un accueil de 2 763 nouveaux patients, et un total de 2 006 396 euros, il me semble que les 25 membres du RPH-École de psychanalyse peuvent être satisfaits de leur année.
La situation économique et sociale du pays exige des réponses concrètes. Les cliniciens de l’École les apportent à qui de droit.
Pour quelle raison les politiciens barrent-ils la route à des ouvertures des consultations publiques ? Pour quelle raison les universitaires n’adressent-ils pas les étudiants à notre école pour qu’ils soient véritablement formés à la clinique ? Pour quelle raison les psychologues et les psychiatres ne viennent-ils pas se former à la psychanalyse ?
Ces questions sont leurs, s’ils veulent bien se donner la peine d’y répondre.
Je me limite à mettre sur la table les chiffres d’un an de désir bien accompli, j’apporte aussi des résultats subjectifs : pas d’arrêt de travail chez les cliniciens du RPH, ce qui prouve, comme l’avait dit Lacan par la bouche d’un de ses élèves, que lorsqu’on est en psychanalyse on tombe moins malade. En vivant bien, la formule est d’Aristote, le clinicien peut bien se nourrir, bien habiter, produire des emplois, partir en vacances parce qu’il a bien travaillé, c’est-à-dire, il a travaillé parce que son désir est mis en question à chaque consultation. Il faut dire qu’un psychanalyste travaille beaucoup : consultations, réunions cliniques, supervisions, contrôles, séminaires, colloques. Les vacances sont donc un moment où la joie rencontre le sentiment de mission accomplie.
Du côté de celles et ceux qui nous rendent visite : pas de suicide, pas d’accident, moins d’hospitalisation, moins de prise de médicaments. Cela signifie plus d’argent pour investir dans leur désir de bien vivre, voire de construire leur existence car, pour bien vivre il faut s’approcher des sujets qui fâchent le Moi, à savoir la présence pressante et oppressante de la pulsion d’emprise, de la pulsion agressive, de la pulsion destructrice. Et ces pulsions sont dites dans le cadre de la consultation. Si tel n’est pas le cas, il ne faut pas s’étonner que le discours sociétal prenne le dessus, en détruisant tout le tissu social, celui de la tolérance, de l’économie, toujours au sens aristotélicien.
Le vivre ensemble, d’une espérance, est devenue une idéologie politicienne au service d’une autre idéologie, celle religieuse. En d’autres termes, la jeunesse est manipulée par des majeurs irresponsables. Les autorités de ce pays sont en train de jouer avec le feu.
Si le pays est laïc, la vie sociale doit être débarrassée de toute preuve de religiosité. La religion est une expérience privée, comme celle d’aller chier. Il est inimaginable que quelqu’un puisse aller déféquer en compagnie de quelqu’un d’autre. Eh bien ! la rencontre avec son dieu est une affaire privée, comme d’aller au lieu d’aisance. Un Privatus, les latrines, ces lieux d’aisance sont lieux d’une rencontre intime. Faire de la publicité de son dieu, comme le font quelques joueurs brésiliens, ou s’incliner comme le font désormais quelques joueurs arabes, ou bien encore porter des draps sur la tête comme le font quelques femmes, est une expression du Moi qui veut se donner à voir. Plus narcissique que ça tu meurs. D’ailleurs, beaucoup meurent grâce à ce genre d’exhibitionnisme déplacé.
Pour faire chier, le Moi, mandaté par les organisations intramoïques, en possession du pouvoir politique, adhère au discours islamiste, discours barbare et méchant. Barbare parce qu’il détruit l’autre qui n’est pas d’accord avec l’auteur des injonctions. L’Europe a connu cette délicieuse expérience sous le nom d’Inquisition ; méchant parce que le désir de l’être est écrasé par la tyrannie des organisations intramoïques, avec l’assentiment du Moi puisqu’il en tire sa jouissance : aucune différence entre le Moi chrétien, juif ou musulman.
Quel dieu peut autoriser une telle barbarie hier comme aujourd’hui ? Sauf à considérer qu’il ne s’agit pas d’un dieu mais bien des organisations intramoïques qui, avec l’assentiment du Moi aliéné, incarnent l’horreur de la jouissance au nom du pape ou de la patrie, d’Ali ou d’Allah, d’un judas ou d’un macchabée quelconque.
Il faut une femme, sous la plume de Shakespeare dans « Richard III », pour dire : « Scélérat, tu ne connais ni la loi divine ni la loi humaine. Il n’est pas de bête si féroce qu’elle ne connaisse quelque pitié. » Et le personnage de Richard qui, selon l’auteur de ces lignes, ne représente ni un français catholique, ni un musulman, ni une mère qui tripote le sexe de son enfant, ni un homme qui bat sa compagne, mais les organisations intramoïques bras dessus bras dessous avec le Moi, de répondre : « Mais je n’en connais aucune, et donc ne suis pas une bête. ». Les animaux n’ont pas la compétence destructrice du mammifère humain. Quelques pages de Darwin sont suffisantes pour arriver à cette conclusion.
Heureusement Tarik Barmoussi, un Français de Jeumont, vient rappeler aux Moi extrémistes que la vie vraie est celle de personnes qui vont au travail, qui prennent le métro, qui vont faire leurs courses et peuvent tomber sur un fou qui veut détruire la vie d’autrui avant de mettre fin à la sienne.
Et quelle relation entre le Moi abruti et les cliniciens du RPH ?
Elle est dans le fait que, dans la clinique, le Moi abruti est encadré et, grâce au transfert, le clinicien parvient à dénouer les pulsions de destruction contre les enfants, contre les femmes, contre la société tout entière, dans le cadre privé de la consultation. Ce travail de toute une année, honore la psychanalyse, la médecine, l’université française, elle honore la France.
Tout le travail des cliniciens du RPH, dans une logique de gagner bien leur vie, de faire une place dans leurs consultations pour accueillir les compatriotes sans le sou, dans la tradition d’Hippocrate, de Freud et de Lacan, ce travail ne coûte pas un seul centime au contribuable et apporte prospérité, véritablement humaine, à la Nation.
Cet engagement politique du psychanalyste doit être un engagement politique de chaque membre du pays. La religion, en dehors des toilettes, est mauvaise pour la Cité. Mais, je ne suis pas dupe. La visée des Richard de tous horizons, au nom de leur douleur, de leur détresse et de leur tristesse, est de toute époque et de toute évidence de détruire le tissu social. La proposition de Consultation Publique de Psychanalyse, avec l’appui du gouvernement, des médecins, des psychologues, des universitaires, vise non à contrer, puisque la destinée ultime de la pulsion est l’instinct de mort, mais à canaliser la pulsion de destruction vers l’apaisement.