Fernando de Amorim
Paris, le 27. VII. 2011
Que chacun s’exerce dans l’art qu’il connaît.
Quam quisque norit artem in hac se exerceat
Cicéron, Tusculanes I, 18
Le savoir du psychanalyste se reconnaît à l’issue de la psychanalyse du psychanalysant. Avant cette sortie, toute nomination est imaginaire.
Quelques-uns se présentent en tant que psychiatre-psychanalyste ou psychologue psychanalyste, ou que sais-je “trait d’union psychanalyste”.
D’où vient cette prétention de quelques-uns de croire qu’ils peuvent occuper à la fois la position de psychanalyste et celle de psychiatre ou de psychologue ?
Comme toute prétention, elle ouvre la voie à l’aliénation.
C’est Claris de Florian qui, au XVIIIe siècle avec sa fable Le vacher et le garde-chasse, nous montre qu’il est impossible d’occuper deux métiers avec compétence.
En se disant psychologue/psychiatre et psychanalyste, ces coquins et coquines montrent l’amour qu’ils ont pour la psychanalyse, qu’ils ramènent à une technique, à un cerbère de leur diplôme universitaire et de leur fantasme de maîtrise et de pouvoir.
On est bien loin de l’idée d’objet perdu freudien auquel le psychanalyste, par le transfert, est appelé à supporter, et même à devenir un des semblants, selon la notion d’objet a de Lacan.
La psychanalyse peut guérir le symptôme qui fait souffrir, quand il est soutenu par l’imaginaire. Cette guérison ne vient pas de surcroît, mais du désir décidé de l’être de ne plus y jouir de cette manière aliénante. Par la rencontre avec le psychanalyste, par une psychanalyse, l’être peut trouver une autre forme de jouissance dans le symbolique et dans sa relation au réel. Cela si nous entendons la guérison comme un apaisement et même comme la disparition de quelque chose de désagréable, de pénible.
Une psychanalyse est sans fin pour quelques structures psychiques, qui trouvent dans la relation transférentielle avec le psychanalyste une forme de nœud qui maintient les trois autres nœuds ensemble.
Pour ma part, je pense que la psychanalyse du psychanalyste est sans fin. Ma visée est de contrer cette idée absurde de “tranche” de psychanalyse. Pas plus qu’il n’y a de “tranche” de navigation. Pour quelle raison devrions-nous croire, hormis pour mettre en marche le désir de non savoir, à la “tranche” de psychanalyse ? Demanderions-nous à un pilote d’avion d’arrêter l’avion pour descendre ? Quitterions-nous le navire en plein océan ? Ces formes d’abandon, du patient, du psychanalysant, du psychanalyste, doivent être opérées comme formes de résistances au savoir sur le désir.
Qu’un psychanalysant abandonne sa psychanalyse, cela n’engage que lui. Qu’un psychanalyste officialise des formes de résistances au désir de savoir, engage tout ce qu’il fait.