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Compte-rendu de la « 2ème Rencontre sur la Santé mentale » à Paris.

Ouarda Ferlicot,
À Nanterre, le 27 juin 2023

Le mardi 20 juin 2023 s’est tenue à la Maison de la chimie à Paris la 2ème Rencontre sur la Santé mentale. Un panel assez large de fonctionnaires de l’État, d’associations, de chercheurs et de professionnels de santé s’est réuni autour de plusieurs tables rondes durant toute la matinée animée par le sociologue Serge Guérin.

Outre les chiffres effarants qui sont avancés – coût de la psychiatrie 20 milliards d’euros, coût de l’absentéisme au travail de 16 milliards d’euros mais surtout budget de la santé 650 milliards d’euros – c’est surtout l’aspect pragmatique et la recherche de solutions rapides qui ont été mises en avant comme remède devant la situation calamiteuse de la santé mentale mais plus largement de la santé en France : développement de la pair-aidance, de secouriste en santé mentale ou le renforcement de l’attractivité du secteur de la santé, mise en place des CPTS (Communauté Professionnelle Territoriale de Santé). C’est le bilan avancé par le délégué ministériel à la santé mentale Frank Bellivier.

La difficulté que nous avons, c’est que les politiques sont pressés par les agendas et les échéances électorales, quand le citoyen, lui, fait le constat d’une dégradation sans conteste de la situation de la santé mentale mais plus largement du système de santé : crise des vocations, saturation de l’offre de soins, listes d’attente, conditions de travail dégradées dans les services de soins, recours excessif à l’isolement ou à la contention. Le dispositif de remboursement des consultations psy n’est que le reflet d’une politique qui continue à nier la subjectivité des êtres et les avancées des chercheurs en santé mentale. En effet, il est possible de lire sur le site de l’Assurance Maladie ce qui suit concernant le remboursement des séances chez le psychologue :  « Le dispositif permet à toute personne (dès 3 ans) angoissée, déprimée ou en souffrance psychique, de bénéficier de séances d’accompagnement psychologique avec une prise en charge par l’Assurance Maladie. En fonction de votre état de santé, et en accord avec vous, votre médecin peut vous proposer de suivre jusqu’à 8 séances d’accompagnement psychologique par année civile avec un psychologue conventionné avec l’Assurance Maladie et partenaire du dispositif. » Autrement dit, avant 3 ans, l’être n’est pas reconnu comme sujet puisqu’il est exclu d’emblée. Or, non seulement les nourrissons peuvent prétendre à une subjectivité propre mais, de plus, le psychologue est doté avec cette proposition de la prétention de soigner en 8 séances. Pourtant, ce n’est même pas le terme « thérapeutique » ou « psychothérapeutique » qui est employée mais « accompagnement ». Ainsi, la politique engagée est une nouvelle fois de réduire l’être en l’infantilisant au contraire de l’inviter à grandir mais surtout de continuer d’ignorer son désir et sa jouissance.

Le député Jean-Charles Grelier (député de la 5e circonscription de la Sarthe) a évoqué sa situation estivale à venir où 9 des 10 services d’urgences vont devoir fermer. Les services d’urgences sont des acteurs privilégiés dans la gestion des crises aiguës et là où l’hôpital ne peut plus contenir la folie celle-ci s’épanche dans nos rues comme le faisait remarquer le Président du RPH. À cette occasion, le Professeur de santé publique, Isabelle Durand-Zaleski a rappelé que ce qui coûte le plus cher reste l’hospitalisation et qu’en réduisant les hospitalisations il est possible d’agir efficacement sur les dépenses de santé. Et le traitement efficace de l’urgence psychiatrique est une réponse à cela.


Cependant, il faut noter la présence de l’effort et de la prise de conscience nationale et mondiale, depuis la COVID-19, de la situation de la santé mentale. Cela nous permet de penser qu’il y a de l’espoir malgré « l’immensité de la tartuferie générale qui règne au mépris de la situation » selon les propos de la psychanalyste Édith de Amorim.

Comment arriver à concilier un État qui cherche à tout prix des solutions rapides et efficaces et  une situation qui demande une refondation en profondeur ? Comment pouvons-nous penser que nous allons sortir d’une crise majeure en santé en continuant d’user de dispositifs palliatifs qui ont à pallier ce qui n’a pas été fait depuis des années ? Comment mettre en œuvre, à l’échelle d’un pays, une dynamique qui tire vers le haut, par une gestion responsable de chacun quand des acteurs même des services publics tiennent un discours qui tire vers le bas, désengage la responsabilité de l’être à prendre soin de lui ?

Pour preuve, les discours provenant de la coordinatrice nationale des Conseils Locaux en Santé Mentale (CLSM), Fanny Partant, pour qui 50 à 70 % de ce qui influence la santé mentale dépend de l’environnement, des conditions de vie. Elle va encore plus loin lorsqu’elle énonce qu’il faut sortir de l’individualisation de la santé et elle va même, jusqu’à ajouter « si les gens ne vont pas bien ce n’est pas de leur fait ».

Ce discours est repris par la Présidente de Psycom, Aude Caria, pour qui la santé mentale dépend de déterminants sociaux : « ce n’est pas l’individu qui est responsable de sa santé mentale mais c’est l’environnement ».


Il est toujours étonnant d’être devant la surdité des responsables politiques face au discours psychanalytique. Pour quelle raison une telle absence de réaction ? Nous, psychanalystes, échouons à rendre compte de l’effectivité de la psychanalyse ; il est vrai que nous avons à témoigner d’une subjectivité qui ne peut résumer en quelques lignes les nouages symptomatiques forgés depuis l’enfance mais il appartient aux psychanalystes de créer les moyens d’en rendre compte puisqu’ils sont les témoins privilégiés des résultats de leur clinique sur la vie des êtres qui ont fait le choix de venir dire : moins de médicaments, moins d’arrêts maladie, moins de suicides, voire pas – du moins au sein du RPH, moins de passages à l’acte, moins d’accidents, moins de plaintes, moins d’Imaginaire, davantage de castration symbolique…

Et surtout grâce à cette matinée, j’ai saisi que ce qui est attendu de la part des fonctionnaires de l’État et des médecins c’est ce qui marche, pas comment ça marche.

Il revient aux psychanalystes de témoigner concrètement des effets de la psychanalyse auprès des pouvoirs publics. Cela avec la proposition de rendre compte des moments cruciaux d’une psychanalyse.