Diane Sourrouille
Paris, le 16 avril 2020
Dans sa brève du 15 avril 2020, intitulée « Un monde obèse : quelle politique clinique pour enrayer le phénomène ? », Monsieur Pochez nous offre une lecture critique sur la manière dont le symptôme d’obésité est abordé aujourd’hui par la société, par le médecin et par les êtres qui en souffrent à partir d’une enquête de Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade.
Face au symptôme d’obésité, Monsieur Pochez indique comment la psychanalyse éclaire différemment ce qui est en jeu dans tout symptôme qui, in fine, vise à détruire son corps. Cette destruction, nous précise-t-il, est l’œuvre de la pulsion de mort. Celle-ci, bien sûr relève-t-il ne va pas sans son lot de culpabilité écrasante.
L’auteur de cette brève nous signale alors qu’il y a à différencier culpabilité et responsabilité. Il nous indique, et je reconnais ici la finesse de ce clinicien, que « Dans la clinique psychanalytique quotidienne, c’est une des tâches les plus délicates de l’opération que d’accompagner l’être à reconnaître sa responsabilité, en laissant derrière culpabilité et accablement. C’est avec patience et douceur, dans l’intimité du cabinet que peut advenir cette reconnaissance ».
Je voudrais ici proposer d’affiner les moyens nécessaires à cette stratégie clinique. Il me semble – ici je parlerai à partir de ma position de psychanalysante – que si patience et douceur sont nécessaires, elles ne sont pas suffisantes. Face à la matérialisation corporelle d’une haine qui ne dit pas son nom, il est nécessaire de « descendre dans l’arène » tel que le formule Fernando de Amorim. J’entends ici, par exemple, que lorsqu’un clinicien repère qu’un patient ou psychanalysant est en train de prendre du poids – au point que le clinicien le remarque – il se doit d’en toucher un mot à l’être qui lui rend visite. Certes, il le fera avec tact mais sans langue de bois. S’il ferme les yeux et ne dit rien, ce sera l’indication d’une inhibition et il y aura à examiner ce qui nourrit celle-ci chez celui qui a la responsabilité de diriger la cure.
Dire que le clinicien est amené à descendre dans l’arène vise également à indiquer qu’une navigation psychanalytique n’est pas un long fleuve tranquille puisque la pulsion de mort est présente tout au long de la traversée. Cette dernière s’exprime à travers l’action des organisations intramoïques que sont la résistance du surmoi et son bras verbal – l’Autre non barré – tel que les a nommés Amorim à partir des travaux de Sigmund Freud et Jacques Lacan.
Face à l’expression de ces instances, le clinicien est appelé à sortir de son silence et souvent, cela secoue. S’il y a tension, ce n’est jamais parce que le clinicien vise le patient ou le psychanalysant, non, le clinicien est amené à utiliser l’autorité du transfert face aux déchaînements provoqués par les organisations intramoïques sur le Moi de l’être. Ce sont ces organisations que vise l’acte psychanalytique.
Ainsi, ce que j’ai appris de ma position de psychanalysante, c’est que l’on ne peut faire l’économie de ces moments orageux, délicats bien sûr pour le transfert, car sinon il y a risque que la cure dévie de sa route voire qu’elle sombre tout simplement. Mais lorsque nous traversons la tempête, l’effet est toujours que la cure avance.