« Engagez-vous ! » qu’ils disaient
Jean-Baptiste Legouis
Paris, le 28 III 2013
J’ai participé il y a quelques jours à une réunion regroupant des psychologues de diverses institutions (PMI, éducation nationale, centre municipaux de santé, protection de l’enfance, centre médico-psychologique) et quelques psychiatres.
La discussion s’est rapidement centrée sur des points techniques d’organisation de la prise en charge des patients. Il était question, en particulier, du nombre et du prix des séances. Certains défendaient l’importance de la gratuité, d’autres, au contraire, l’importance d’une participation financière, même symbolique.
Un mot revenait régulièrement dans les échanges, l’engagement des patients dans leur psychothérapie. Après que plusieurs psychologues ont utilisé ce mot, je les ai interrogés : « Utilisez-vous le mot engagement comme synonyme de transfert ? ». Un silence a suivi ma question. J’ai ajouté : « Est-ce que le mot transfert est devenu un gros mot ? ». Des sourires mi-gênés mi-entendus se sont affichés autour de la table.
Cette anecdote nous indique les impasses dans lesquelles s’engagent les psychistes qui s’éloignent de la tradition psychanalytique française. L’engagement dont parlaient ces professionnels n’a rien à voir avec le transfert, il s’agit d’une approche essentiellement moïque de la relation psychothérapeutique. Elle s’appuie sur une espèce de contrat conscientisé entre le psychothérapeute et le patient. Cette alliance thérapeutique trouve son apogée dans l’approche comportementale et cognitive où est établi dès le départ la durée du traitement, le nombre de séances et les résultats attendus. Dans certaines approches un contrat sur papier est réellement signé entre les parties. C’est la plus sûre manière de passer à côté des manifestations de l’inconscient.
A contrario, un patient vient me voir et parle avec un ton trainant, pleurnichant et plaintif. Au bout de quelques séances je lui fais une remarque sur son ton et sa façon de geindre. Il dira quelques temps plus tard que ma remarque l’avait beaucoup choqué sur le coup mais lui avait, dans le même temps, donné l’envie de revenir et poursuivre sa psychothérapie.
Nous voyons ici que le ressort n’est pas du tout de l’ordre de l’engagement volontaire, puisque, du coté du moi, la remarque avait fortement agacé ce patient, mais elle a, parallèlement, nourri le transfert et le désir de savoir.
Dans l’opération qui consiste à faire naître, installer et nourrir le transfert (stratégie clinique établie par Fernando de Amorim et que nous nous efforçons de mettre en œuvre au RPH), il y a une part qui échappe au clinicien et au patient, mais le clinicien peut s’appuyer sur le désir qui s’est fait jour dans sa propre psychanalyse et indiquer la voie à suivre pour que le patient puisse devenir psychanalysant puis sujet, lequel se caractérise de s’être engagé, non pas avec le clinicien, mais avec son désir.