Édith de Amorim
Paris, le 20 mai 2024
J’ai lu Parler sexe – Comment informer nos ados, du Professeur Israël Nisand (Grasset, février 2024).
L’ouvrage, didactique, commence par une présentation de l’auteur, Israël Nisand, juif, athée, de gauche, gynécologue, obstétricien et professeur des universités. Il se présente au lecteur dans ce contexte de guerre au Proche-Orient (p. 10). Il est bref, concis et sa brève autobiographie m’a rappelée une interview de Yehudi Menuhin, violoniste immense et humaniste plus grand encore. J’étais alors à l’orée de ma vie d’adulte et ce Monsieur m’a appris que l’horreur n’était pas qu’allemande ou nazie, il m’a donné ma première leçon de l’humaine condition en insistant sur ce fait que le mal est toujours possible pour tout un chacun. Yehudi Menuhin a joué du violon pour les rescapés des camps de la mort.
Israël Nisand, lui (ça rappelle le mot de Freud devant les autodafés des nazis et les progrès de la civilisation), se rend dans les salles de classes des collèges et lycées pour jouer sur la gamme humaine qui va de l’ignorance à l’espérance, à l’instruction. Il parle aux adolescents qui n’ont plus que les sites pornographiques pour leur parler de sexualité, de désir… et pas d’amour. « Peu importe le milieu social, nous n’éduquons pas nos enfants à la sexualité, le porno s’en charge. » (p. 22).
Parler de sexualité à des adolescents n’est pas ce qu’il y a de plus simple. Or c’est extrêmement vital et urgent. Il y a en France environ 15 000 avortements de jeunes filles mineures chaque année. « En France nos jeunes sont ignorants. Ils pensent que l’on ne risque rien lors du premier rapport sexuel, que l’on ne risque rien lorsque la fille a ses règles, que l’on ne risque rien avec le préservatif, etc. » (p. 24). Autre moment de vérité criante et crue : « Ce manque d’information sur la vie affective et sexuelle porte principalement préjudice aux femmes. » (p. 25). Pourtant, on le sait bien, Mesdames, que l’ignorance n’est pas notre alliée, encore moins notre amie. Et puisque nous en sommes à ces vérités toutes nues en voici une qui demande rarement son reste de nos jours : « Je rappelle l’essentiel : chacun est libre et les lois qui priment sont celles de la République, elles passent avant celles de Dieu. Certains s’opposent à ces propos. Je leur conseille de changer de pays car en France ils ne seront pas heureux s’ils refusent de suivre cette hiérarchie toute républicaine. » (p. 34).
La sexualité est politique et elle est également scientifique : « Et l’inverse peut arriver, c’est ce que l’on nomme la grossesse nerveuse ; des femmes se présentent avec un ventre de sept mois, n’ont plus leurs règles, et pourtant leur utérus est vide. C’est principalement le cas dans les régions du monde où il n’y a pas de tests de grossesse ni d’échographies. » (p. 117). La science et la technique font bien reculer l’imaginaire, l’autre nom de l’obscurantisme. Israël Nisand roule sa bosse dans nos collèges et nos lycées pour porter la parole du savoir scientifique et tailler des croupières dans celui que véhicule l’imaginaire pornographique. Il nous apprend même que l’ignorance évolue ; ainsi dans les années 90, les interrogations de la jeunesse portaient sur l’évitement des grossesses et le sentiment amoureux et je ne résiste pas au plaisir de vous livrer deux questions formidables : « “Est-ce qu’avaler du sperme fait grossir ?” ; “Est-ce que les vieux nike ? (sic !)” » (p. 26). En 2024, elles sont imprégnées par ce que « […] les jeunes voient sur les sites pornographiques. “Est-ce qu’on peut se tromper de trou ?” » (p. 27).
C’est un petit ouvrage précieux pour nous tous, psychothérapeutes ou psychanalystes, qui avons à recevoir des adolescents baignant dans cette culture de masse qu’est devenue la pornographie.