« La clinique de l’homme travesti et l’imago maternelle: qui porte la culotte ? Paris 9»
Jeanne Chayet
Paris,
02 janvier 2020
L’homme se travesti depuis des siècles, pour ne pas dire depuis toujours. D’ailleurs, les hommes qui aiment porter des vêtements féminins, dans un cadre professionnel ou dans le but de ressentir une excitation sexuelle, sont bien plus nombreux que l’on pourrait le croire. Alors quel est l’enjeu psychique de ces hommes qui fantasment de se glisser dans la peau d’une femme ?
Au cœur de la clinique, ces hommes témoignent régulièrement au cours de leurs associations libres de souvenirs d’une mère « dominatrice », « écrasante », « castratrice », « manipulatrice ».
En parallèle, la figure du père, dans l’histoire de ces patients, révèle un homme « soumis » à sa femme. Ces récurrences repérées dans ces discours a attiré tout particulièrement mon attention : Qu’en est-il des imagos parentales dans la clinique du travestissement ?
Jacques Lacan développe cette notion en 1938 à travers l’étude des complexes familiaux[1]. Les complexes familiaux entraînent des effets sur le sujet en fonction des relations interindividuelles entre les membres qui composent la famille. Les imagos sont la représentation subjective que le sujet se fait d’une expérience vécue avec un des membres de cette famille.
Il y a trois complexes familiaux selon Jacques Lacan auxquels se rattachent ces images inconscientes : le complexe de sevrage, le complexe d’intrusion et le complexe d’œdipe. Les imagos et les complexes seraient selon lui issus des relations de l’enfant avec son environnement.
Le complexe qui nous intéresse le plus ici est le troisième, associé à l’imago paternelle. C’est à cette période que des remaniements identificatoires sont nécessaires pour normalement se diriger vers le parent du même sexe. Ce sont les identifications secondaires. Durant le complexe d’Oedipe, la fonction paternelle doit s’insérer afin de mettre un terme aux relations archaïques de l’enfant avec sa mère. L’imago du père permettrait ainsi la mise en place des deux instances, le Surmoi et l’Idéal du Moi.
Le père est le messager de la castration. Jacques Lacan développe la conception du père et de l’Oedipe comme organisateur en général, en parlant de fonction paternelle, une figure tierce. Le tiers paternel barre la jouissance de la toute-puissance du couple mère-enfant.Cela viendra d’ailleurs protéger l’enfant d’une imago maternelle toute-puissante, archaïque.
Dans la clinique des hommes travestis, c’est précisément cette imago maternelle qui semble être en jeu. L’imago maternelle perçu comme tout-puissant, phallique, paraît bien présent dans le discours de ces êtres : L’un d’entre eux dit à propos de sa mère « C’était elle qui gérait tout ! Elle portait la culotte à la maison quoi ! ».
Un autre déclare de sa mère « C’est la matriarche ! ».
De l’autre côté, l’imago paternelle inconsistante peut également se vérifier : « Il se fait bouffer tout crû. » dit l’un de ces patients.
Finalement, nous pouvons nous poser cette question avec humour : Qui porte la culotte dans la clinique du travestissement ?
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[1] LACAN, J. (1938). Les complexes familiaux, in Autres écrits, Ed. Seuil, Paris, 2001, pp. 23-88.