You are currently viewing La métaphore maritime comme paradigme de la cure psychanalytique

La métaphore maritime comme paradigme de la cure psychanalytique

Tsunami psychique

Laure Baudiment 
Paris, le 10. V. 2011

Alors que ces dernières années, nous avons la nette sensation, que le monde s’emballe et les évènements naturels avec, un article du Monde (1) intitulé « Tsunami : les ancêtres savaient », nous amène à réfléchir sur la part de l’homme quant aux dégâts « tsunamiques ».

Ainsi, nous apprenons qu’au Japon, « les ancêtres savaient ». Que savaient-ils donc ? Ils savaient, pour avoir observé la nature, qu’il ne fallait pas construire d’habitations à partir d’un certain niveau au-dessus de la mer car en cas de tsunami la vague arrivait jusque-là, les villages étaient ravagés, la population noyée. Cette prudence rallonge le chemin des pêcheurs mais au bout du compte elle rallonge surtout leur vie.

Les dits ancêtres ont donc fait construire des stèles d’un mètre de haut portant l’inscription : «En commémoration des grands tsunamis de 1896 et 1933. Souvenez-vous de ces désastres et ne construisez jamais vos maisons en deçà de cette limite ».

Ou même encore, sur l’Ile du Miyato, au large d’Higashimatsushima, un monument indique qu’en 869, à la suite d’un violent séisme, deux vagues ont convergé en son milieu. La population a depuis évité les constructions dans la partie de cette île.

Au RPH, cette année nous surfons sur la mer du désir et de la cartographie de Fernando de Amorim, qui nous oriente dans la clinique freudo-lacanienne grâce à la métaphore maritime. Aussi, cet article a attiré mon attention et m’a semblé des plus instructifs sur la transmission du savoir et des savoirs. Ceci n’est pas sans nous rappeler le drame charentais d’il y a quelques temps où, là aussi, les avertissements de zones non constructibles ont été balayés d’un revers de la main pour être ensuite balayés d’un revers par la mer.

Que nous arrive-t-il donc ? Qu’arrive-t-il à l’homme pour que son économie psychique ne fasse plus passer en premier lieu que l’économie tout court, sonnante et trébuchante et une toute-puissance surmoïque dans l’impératif d’un « jouis ! ».

Comment se fait-il que l’on préfère ignorer, remiser, jeter, les connaissances et le savoir-faire des hommes et femmes de 50 ans juste par économie de salaire ?

Enfin, et c’est là où je voulais en venir : qu’arrive-t-il aux psychistes de se permettre d’avancer dans la clinique sans établir de diagnostic car comme me l’a dit un de nos collègues « Nous les psychanalystes, le diagnostic nous sommes au-dessus de cela ! ».

Je ne pense pas que les psychanalystes soient au-dessus du diagnostic. Il me semble que le diagnostic est comme cette stèle japonaise qui vaut pour avertissement. Si nous ne repérons pas, à un moment donné, la différence fondamentale donc structurale de l’être, il me semble que nous prenons le risque d’uns tsunami psychique. Et comment avancer dans une cure si nous ne savons pas où nous situer ? C’est comme se retrouver en haute mer sans savoir où aller. Qui monterait dans un bateau sachant que le capitaine ne sait pas naviguer ?

Avancer en psychothérapie ou psychanalyse sans avoir repéré la structure du patient peut provoquer cette vague psychique que l’on appelle décompensation. Et qu’un homme se dise psychanalyste sans avoir repéré où il se situait, lui et son patient, me semble fort risqué.

La transmission est au cœur de la psychanalyse. Donc, restons vigilant et respectueux du savoir de nos ancêtres et surtout transmettons aux plus jeunes… Ce qui d’ailleurs est une des raisons d’être du RPH ! Ne prenons pas la mer dans n’importe quelle condition ! Ne laissons pas le refoulement et l’ignorance nous guider ! Apprenons à naviguer avant le tsunami psychique !

________________________________________ 
(1) Le monde du samedi 7 mai 2011. Tsunami : Les ancêtres savaient. Philippe Pons