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La psychanalyse est-elle une science ?

De la scientificité de la psychanalyse

Fernando de Amorim 
Paris, le 3. VIII. 2011

Dès l’Antiquité, les navigateurs ont remarqué que pour quitter la navigation côtière il fallait un moyen de se repérer dans l’océan. Les moyens d’une telle orientation furent les repères astronomiques. Mais encore fallait-il savoir la direction, la rose des vents en fut le moyen. Une fois sa direction trouvée, le marin pouvait commencer à naviguer.

La psychanalyse est une science puisqu’elle a un objet, le désir ; une technique, l’association libre ; une méthode, les règles de navigation.

Parler ses pensées au clinicien, qu’il soit mis dans la position de psychothérapeute ou de psychanalyste, est le travail du malade, du patient et du psychanalysant. Le travail du psychanalyste, même s’il est mis dans la position de psychothérapeute, est de veiller au respect de la règle fondamentale d’association libre et de conduite de la cure.

Le désir chez nous, au RPH, ce sont les étoiles des marins ; l’association libre, leur rose des vents ; leurs règles de navigation est notre méthode.

En quoi consiste la méthode psychanalytique ? Descendre la rivière Guadalquivir avec le patient jusqu’à Sanlucar de Barrameda, lieu d’entrée d’une psychanalyse, en conduire cette circumnavigation magellanienne et retourner à Sanlucar de Barrameda. Elle consiste à veiller à ce que le psychanalysant dise ses pensées dans les détails ; qu’il dise le premier mot qui lui traverse l’esprit ; qu’il raconte le rêve, qu’il associe librement les parties du rêve, qu’il puisse extraire ce que le rêve lui apprend sur le désir en jeu (interprétation) ; qu’il associe librement et interprète le lapsus ; qu’il associe librement et interprète les mots d’esprit ; qu’il associe et interprète les expressions corporelles et organiques ; qu’il réponde aux questions posées par lui ; qu’il finisse ses phrases.

La visée de la méthode est de garder le cap. Du grec, la méthode vise à trouver l’au-delà de la voie suivie par le psychanalysant. La méthode vise à faire en sorte qu’il puisse construire sa vie après avoir traversé l’océan jamais auparavant sillonné de son inconscient.

C’est à partir de sa sustentation dans l’observation, l’expérience, le raisonnement, le calcul théorique à partir des associations libres des psychanalysants, que le psychanalyste peut appuyer la scientificité de la psychanalyse. Cela ne signifie pas unité puisque, dans l’inconscient on n’a pas affaire au solide inanimé. Dans l’inconscient tout bouge tout le temps. Il faut que le psychanalyste fasse avec. C’est en utilisant une manière d’accéder au savoir sur le désir que la méthode de la psychanalyse est scientifique.

Le lecteur pourra objecter que cette méthode ne peut pas être vérifiée. Elle ne peut pas être vérifiée si nous utilisons ce que j’avais appelé la logique de vérification horizontale, nécessaire et légitime en physique, en astronomie et en cytologie. En psychanalyse, la méthode de vérification est verticale, c’est-à-dire que nous ne pouvons pas comparer la psychanalyse de Joseph avec celle de Paul, mais nous pouvons, en revanche, comparer la psychanalyse de Paul avec Paul au moment où il est arrivé à notre consultation jusqu’au moment où la vérification est exigée soit, six jours, six mois, six ans après le début de sa psychanalyse. Si Paul reconnaît des changements pour lui importants dans sa vie, sa psychanalyse va dans la bonne voie. Si rien ne bouge, c’est qu’il y a un problème dans la conduite de la cure, donc du côté du psychanalyste.

Avec Roger Bacon, je pense que l’expérience est la seule source d’un savoir que nous pouvons appeler scientifique. En psychanalyse, l’expérience mise en valeur est celle des associations libre du psychanalysant, à condition que le psychanalyste veille rigoureusement au respect de cette règle d’or, comme l’a nommée Lacan.

En revanche, Karl Popper semble confondre la psychanalyse et son objet, le désir, avec une discipline où l’objet est inanimé. La logique procustienne de Popper ignore que la psychanalyse est réfutée au quotidien par celles et ceux qui la côtoient, à savoir, le psychanalysant. Le psychanalysant ne veut rien savoir de l’objet de la psychanalyse. Il veut simplement ne pas souffrir, comme s’il était encore dans la position de patient (Cf. Cartographie du RPH). Le psychanalysant critique, conteste et réfute, tout au long de la traversée, la psychanalyse. C’est à la sortie de sa psychanalyse que le psychanalysant est radieux de l’avoir traversée. Jusqu’à cet instant, le psychanalysant, à l’instar de Popper, est poppérien.

La psychanalyse répond aux critères de réfutabilité de Popper puisqu’elle est là encore, malgré les psychanalysants, les psychanalystes, Popper et autres. Ce sont les psychanalysants, dans une relation d’amour et de haine du savoir sur le manque qui génère et nourrit le désir qui font que la psychanalyse est encore là. Il ne faut pas confondre la critique visant à détruire la science qui dérange la lâcheté de l’être parlant dans sa relation à son désir avec la critique qui vise à améliorer, affiner la relation de l’être avec son désir et avec le monde. Cette dernière conduite scientifique est pleinement repérable chez le psychanalysant.

Quelques-uns se sentent à leur aise de pouvoir critiquer la psychanalyse sans la connaître. S’autorisent-ils aussi aisément à critiquer la physique ou la biologie ? Non, et cela parce que l’objet de la psychanalyse leur est très proche et qu’ils n’arrivent pas à le saisir, à le toucher. C’est par envie, c’est par désir de détruire ce qu’ils ne peuvent posséder qu’ils s’acharnent ainsi contre la psychanalyse.

La méthode en psychanalyse est donc le chemin ouvert à chaque parole du psychanalysant ayant comme visée d’accoster, si cela est permis par la structure et par le réel, à sa Sanlucar de Barrameda à lui, c’est-à-dire, là où il est entré en psychanalyse.