A la psychanalyse ce qui est à elle
Fernando de Amorim
Paris, le 1. III. 2011
La psychanalyse est une clinique de la parole. Une parole dite de la façon la plus libre possible.
Celles et ceux qui ont dit que la psychanalyse était dans le coma, voire morte, sont allé trop vite en besogne. Je les appelle les plombeurs. Il y a de gens comme ça, qui plombent ! Ce sont des énamourés de la pulsion de mort. Ils voient de la désolation partout. La parole, chez eux, n’a pas les effets transformateurs qu’on constate quand nous exerçons la clinique psychanalytique au quotidien. Je dis au quotidien et non en touriste, ou en psychanalyste du dimanche, ou encore en tant que psychanalyste à mi-temps.
Si je reconnais les plombeurs de vie, dans la vie quotidienne je les repère aussi – et c’est très facile de les repérer – parmi celles et ceux qui se disent psychanalystes, ou qui font carrément partie des rangs des institutions psychanalytiques. Ils gravitent autour de la psychanalyse toujours en prévoyant sa mort de façon plus ou moins discrète.
Il y en a même un qui avait prédit la fin du divan. Grossière erreur clinique : le divan est la preuve que quelqu’un est effectivement en train de naviguer dans des eaux jamais avant naviguées de l’inconscient structuré comme langage.
Toutes les fois que quelqu’un prédit la mort de la psychanalyse, je ne manque jamais de m’interroger sur le bénéfice que peut en tirer cet oiseau de mauvais augure. Ma conclusion est qu’il est peiné de sa fin à lui qui s’approche. C’est toujours un vieux psychanalyste qui annonce la fin de la psychanalyse. Il y a aussi ces petits malins qui ont toujours un bouquin à vendre. Et « psychanalyse », « Freud », « Lacan », ce sont des signifiants qui rapportent de l’argent. Pas quand on travaille sur eux, mais quand on les dénigre. Cette logique du dénigrement vient toujours, sur le champ ou plus tard, avec la proposition larvée d’une nouvelle psychothérapie et d’un maître en accessoire.
Qui sont en train de mourir, pour de vrai, de plus en plus, ce sont les dictatures. Ne vous étonnez pas si, dans quelques années, la psychanalyse soit pratiquée allègrement, de façon vivifiante, vivante, dans les pays arabes.
La psychanalyse prendra fin avec l’homme, quand ce dernier sera muet pour toujours.
Et la fin de l’homme n’est pas à l’ordre du jour, sauf pour quelques zinzins de-ci, de-là.
Après cette introduction un peu chargée, passons à un discours plus joyeux, plus psychanalytique.
Lacan disait que la psychanalyse est vraie quand elle est joyeuse. Mais pour parvenir à ce temps-là il nous faut ramer, c’est-à-dire, parler de façon décidée ce qui nous traverse l’esprit. Ma première rencontre avec la psychanalyse fut en septembre 1981. Depuis, j’ai rencontré quelques personnes qui se disaient psychanalystes et d’autres qui l’étaient, effectivement, psychanalystes. Mais aucune de ces personnes ne m’a décliné la règle fondamentale, comme disait Freud, la règle d’or, comme l’appelait Lacan.
Les conséquences de ce sabotage princeps de la psychanalyse n’est pas sans conséquence quant à la trouvaille de la porte de sortie de la cure. Et en écrivant ces lignes je remarque que dans porte de sortie il y a port.
Saisissons ça au vol : la psychanalyse est une traversée dans l’océan de l’inconscient. Le travail du psychanalyste est de conduire la cure jusqu’à l’arrivée à bon port du psychanalysant. Le bon port du psychanalysant est le sien et non de qui que ce soit d’autre. A la sortie d’une psychanalyse le psychanalysant deviens sujet, pour de vrai, dans sa relation avec le réel (Cf.Cartographie du RPH).
Par générosité, Lacan donnait le statut de sujet à l’être qui parle d’une façon plus engagée. La regrettée Rosine Lefort traitait les bébés comme sujet. C’est de la générosité, c’est le désir du psychanalyste, mais ce n’est pas vrai cliniquement. Un être devient sujet à la sortie d’une psychanalyse. Etre sujet c‘est être responsable de son existence, de son corps, de sa relation à l’Autre, de sa relation au réel.
En ce sens, à la sortie d’une psychanalyse on est un peu mieux loti que notre voisin qui n’a jamais fait une traversée océanique.
Parfois il faut le laisser où il est, à savoir, au bord de la seine, ou avec de l’eau aux genoux.
C’est dans ce sens que la psychanalyse n’est pas pour tout le monde.
Cependant, je n’arrive pas à identifier où la psychanalyse serait en phase décadente. Elle ne l’est point. Elle le serait si elle était sous la coupe des Etats, de la médecine, de la psychiatrie, de la psychologie, des institutions psychanalytiques.
Si la psychanalyse a traversé les époques c’est parce qu’elle était protégée par les psychanalysants. Ce sont les psychanalysants les véritables gardiens de la psychanalyse.