Médecin ou psychanalyste ?
Fernando de Amorim
Paris, le 15. VI. 2011
Le travail du psychanalyste est de suivre des consignes cliniques indiquées par Freud, affinées et enrichies par Lacan et quelques autres. Or, régulièrement nous constatons que le psychanalyste peut très bien être l’élément qui fait ralentir, tourner en rond ou couler, le transfert. Comment protéger le psychanalysant et surtout la psychanalyste de l’humanité, du moi du psychanalyste ?
En établissant que, pendant toute la durée du travail clinique, le psychanalyste continue sa psychanalyse personnelle. Les « tranches d’analyse » à laquelle se soumettent les psychanalystes sont un leurre qui sert à les tromper et surtout à les détourner du chemin du désir de psychanalyste. Ni l’université, ni l’Etat ne sont habilités à évaluer ou contrôler l’acte psychanalytique. Ce sont, et tout d’abord, le psychanalysant, ensuite l’Ecole de tutelle du psychanalyste, qui répondent de la clinique du psychanalyste. Les coordonnées – dans le sens de coordonnées géographiques – d’une séance, voire d’une psychothérapie ou d’une psychanalyse, sont déterminées par les associations libres du malade, du patient ou du psychanalysant.
Dans l’institution, le psychanalyste devrait avoir comme visée de quitter l’institution à la fin de sa journée avec le patient. Il s’agit ici d’une donnée métaphorique : il quitte l’institution avec le patient en accord avec le médecin traitant de ce dernier.
Une hospitalisation du point de vue psychique n’est pas thérapeutique. Si nous souhaitons un effet clinique, il faut envisager que le clinicien qui a rencontré le malade en institution, puisse continuer à le rencontrer dans son cabinet privé (ce que nous appelons le moment 3 de l’opération clinique ou « consultation à l’extérieur »). Le passage de l’institution, moment 1 ou « hospitalisation » et moment 2 ou « consultation externe », au privé, en termes de « difficultés » à partir du fait que le psychanalyste soit « médecin ou non » et les « modalités de paiement (gratuit ou remboursé) », élide complètement l’essentiel, la difficulté transférentielle : le psychanalyste sait-il manier le transfert en institution ?
Bien entendu, une fois installé un psychanalyste ne reçoit plus autant de patients dépourvus de moyens ; recevoir des patients désargentés incombe à des jeunes qui ont besoin de patients pour s’entraîner à l’écoute et au maniement du transfert. Dire cela n’empêche nullement – puisque c’est au fondement de la tradition clinique en général et psychanalytique en particulier – de recevoir des patients en difficulté financière. Cela se fait avec swingue, et avec le swingue on trouve beaucoup de solutions cliniques. Mais que dire, que faire, lorsqu’une chape de plomb institutionnelle vient borner le praticien et sa clinique ?
En un mot, la question n’est pas d’être ou non médecin mais d’être ou non psychanalyste. Limiter la clinique psychanalytique à la pratique fauteuil/divan c’est épurer l’essence de l’association libre, du transfert et de la structure psychique en jeu.
Le fauteuil, comme le divan, ne sont pas réservés à une « proportion étroite de la population », ils sont réservés à celles et ceux qui supportent ou veulent savoir. Le niveau culturel n’est pour rien dans cet a priori. Ce n’est pas le psychanalyste qui détermine qui sera sur le fauteuil ou sur le divan. L’avancée que nous avons faite dans notre école nous autorise à proposer un élément beaucoup plus structuré qu’un choix aléatoire ou relevant de la seule volonté du psychanalyste, d’installer quelqu’un dans tel ou tel élément du décor mobilier !
Une psychanalyse naît et prospère lorsque deux désirs s’entrelacent : celui de savoir, celui de faire silence, et la volonté n’entre en rien dans cette affaire, ou, alors, c’est dans le sens du moi fort qui veut combler le manque, tuant ainsi le désir !