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La santé des femmes – De l’ignorance à la reconnaissance

La santé des femmes – De l’ignorance à la reconnaissance

Marine Bontemps

À Paris, le 1 er mars 2024

Je recommande de voir le documentaire « La santé des femmes – De l’ignorance à la reconnaissance » réalisé par Marta Schröer et Ursula Duplantier et diffusé par Arte.

En suivant l’indication de Fernando de Amorim selon laquelle le psychanalyste a à être ami de la médecine, il m’apparaît salutaire que les cliniciens prennent connaissance de ce que ce documentaire met en lumière car il nous instruit sur la manière dont les différences biologiques, physiologiques et hormonales entre hommes et femmes influent sur leur santé et les maladies qu’ils développent, mais aussi et surtout sur la prise en charge de celles-ci par la médecine actuelle.

Sont exposés dans ce documentaire des leviers expliquant certaines inégalités de santé liées au sexe et notamment des retards de diagnostic puisque les maladies sont plus généralement connues et étudiées sous la forme qu’elles prennent chez l’homme. Ainsi les maladies cardiovasculaires, bien que première cause de mortalité chez la femme, peuvent dans leurs manifestations passer inaperçues car celles-ci diffèrent de celles connues chez l’homme. Est également abordé le manque de recherche médicale sur certaines pathologies, uniquement féminines et pourtant très répandues – l’endométriose en est un exemple – ; ou encore le manque de représentations des femmes parmi les sujets d’essais cliniques, particulièrement dans le champ pharmaceutique. En cause ? D’une part la prudence, l’histoire nous rappelle par exemple le scandale sanitaire du thalidomide administré dans les années 1960 et ayant conduit à des malformations congénitales graves chez près de 15 000 fœtus. D’autre part, la variabilité hormonale des femmes s’avère un facteur très coûteux à prendre en compte et à neutraliser dans les essais cliniques, alors que pourtant elle influe sur la réponse aux traitements. Les femmes se voient administrées des médications testées majoritairement sur des hommes là où les études montrent que femme et homme ne réagissent pas de la même manière aux molécules pharmaceutiques, tout comme il est maintenant prouvé qu’ils entretiennent un rapport à la douleur différent. « Chaque cellule d’une femme a un métabolisme, des récepteurs et des gènes qui diffèrent d’une cellule d’homme » nous enseigne la professeure de cardiologie Vera Regitz-Zagrosek. La femme n’est pas un homme comme les autres.

Au côté de ces informations et connaissances que chacun gagnera à apprendre et à garder à l’esprit, il m’apparaît important de souligner un autre point que le documentaire met en avant au travers du docteur Claire Mounier-Véhier, professeur de cardiologie et chef de service au CHRU de Lille, et de son travail pour l’association Agir pour le cœur des femmes qui, de manière itinérante en France, propose aux femmes les plus éloignées du parcours de soin, de nouer ou renouer avec la médecine au travers d’un bilan cardio-vasculaire et gynécologique, précurseur d’une éventuelle prise en charge médicale. Ce que cette cardiologue nous dit est édifiant : « C’est un projet qui avait pour but de donner une alerte, une alerte sociétale […] ce sont des femmes qui ont perdu l’habitude qu’on s’occupe d’elles, qui se négligent, je dirais même qu’elles se maltraitent ». D’une affaire sociétale, elle ressert l’angle jusqu’à indexer le rapport, maltraitant, de l’être avec lui-même. Et c’est précisément là où le psychanalyste peut tendre une main amie à la médecine, aux médecins et aux femmes que ces derniers rencontrent car cette maltraitance que l’être, femme ou homme, s’inflige n’a pas à être un état de fait ; elle est l’expression d’une lutte, interne, entre l’être et lui-même. La psychanalyse est une offre pour que cette lutte se déploie et se règle dans le champ de la parole au moyen de l’association libre des pensées, et que cela se fasse en parallèle de la prise en charge médicale lorsque celle-ci a lieu.

Là où le documentaire est aussi, d’une certaine manière, édifiant, et je conclurai à ce propos, c’est lorsqu’il est question du suivi d’une femme souffrant psychiquement depuis des années et à qui est finalement diagnostiqué un TDAH, diagnostic rarement établi chez les femmes, ce qui lui vaut d’être abordé dans ce documentaire. S’il y était jusqu’alors question du champ médical, avec cette patiente un glissement s’opère et la sphère psychique se voit rabattue vers la médecine, non sans que la jeune femme elle-même ne dise que, si le diagnostic a été libérateur, « cette trêve n’a pas duré », cela l’a complétement déstabilisée et l’a plongée « dans une crise profonde » auquel sera apportée la réponse d’un traitement pharmacologique.

Voilà qui illustre on ne peut mieux comment, dans le champ de la médecine et dans le champ de la psychanalyse, le diagnostic ne peut avoir la même fonction ni donc le même emploi ; cela ouvre vers les discussions qui ne manqueront pas de jalonner le prochain colloque du RPH se tenant à Paris le 23 mars 2024 : il est une