La santé mentale des Parisiens
Sara Buguet
Paris, le 21. X. 2013
Dans ma consultation, je reçois des personnes qui souffrent dans leurs relations aux autres, dans leur travail, dans leur corps, des pensées qui envahissent leur esprit et les entravent dans leur vie quotidienne. Bon nombre de ces personnes ont déjà consulté des psychologues ou des psychiatres, mais souvent la question financière a été l’élément sur lequel accrocher pour arrêter la psychothérapie.
Au RPH l’axe de travail repose sur le désir du clinicien, mais aussi sur le désir des êtres qui viennent jusqu’à nos consultations. Le désir du clinicien de pouvoir avoir une clinique et donc recevoir des patients et le désir des patients de pouvoir mettre des mots sur leur maux et savoir davantage sur ce qui les fait souffrir afin de le dénouer.
Aussi pour revenir à la question financière, qui est notamment un point important concernant la politique de la santé mentale des parisiens, mais aussi pour le budget de l’être qui frappe à notre porte : au RPH nous accueillons les personnes désireuses de débuter une psychothérapie et fixons avec elles le coût financier engagé. Ceci responsabilise l’être dans la prise en soin de lui-même, puisqu’il engage ses propres deniers, mais aussi le tire vers le haut puisqu’il est autonome dans le paiement de ses séances, qu’il peut assumer et qu’il module en fonction de l’évolution de sa situation.
Pour vous en dire davantage, tiré de mon expérience clinique, j’ai par exemple reçu une étudiante qui avait entamé plusieurs cursus universitaires, financés en partie par l’Etat puisque boursière, sans parvenir à en achever aucun. Elle a débuté sa psychothérapie et son désir de savoir sur cette répétition qui s’opérait, l’a menée à entrer en psychanalyse. Un an après sa situation était très différente. Elle a pu valider une formation lui donnant un titre professionnel et un accès à une profession. Elle n’est désormais plus étudiante mais salariée et a augmenté le prix de ses séances d’elle-même. Cet exemple n’est pas isolé puisque je reçois dans ma consultation des étudiants mais aussi des personnes au chômage, qui parviennent à trouver ou retrouver la voie du travail, lorsque celle-ci avait été encombrée.
Une facette dont je souhaitais témoigner par rapport à la santé mentale des parisiens, est le fait qu’un nombre non négligeable de personnes venant à ma consultation prennent par ailleurs des médicaments, le plus souvent renouvelés ou prescrits par leur médecin traitant. La clinique du partenariat est un axe important du travail au RPH, à savoir de permettre de nouer des relations entre professionnels ou entre professionnels et associations ou institutions. Certains médecins nous adressent des personnes en souffrance et nous font l’honneur de leur confiance, mais honorent aussi les patients en leurs proposant un espace pour dénouer ce qui les fait souffrir plutôt qu’une pilule pour masquer la difficulté. Sachant que parfois un traitement médicamenteux s’avère nécessaire.
J’ai reçu, il y a quelques années de cela, une personne qui se définissait comme anxieuse et qui avait eu de ce fait une prescription pour des anxiolytiques. Selon ses dires, la posologie était laissée à son jugement en fonction de son état d’anxiété. Sa crainte et son anxiété avait désormais pour objet précisément ce traitement. Elle formulait son inquiétude et sa crainte d’une dépendance, mais aussi l’observation d’une atteinte de ses capacités cognitives, entravant l’exercice de sa profession. En interrogeant davantage, il se trouve qu’elle était au maximum de la prise quotidienne pour ce traitement et le prenait à certain moment de la journée par habitude plus que pour apaiser son anxiété. Sa parole dans le champ de sa psychothérapie a produit comme effet la décision d’une diminution progressive de ce traitement, en accord avec son psychiatre, que je l’avais vivement invitée à rencontrer quelques mois plus tôt, puisque les médicaments qu’elle prenait étaient liés à cette spécialité de la médecine. Pouvoir orienter les êtres qui formulent une demande de soin, que ce soit par des mots ou des maux, est aussi de la responsabilité des professionnels dans le champ de la santé et donc d’un travail de partenariat, chacun dans son champ d’action.