Édith de Amorim
Les remous de l’affaire « Matzneff » font remonter à la surface une haine du sexuel et de la psychanalyse et laisse les thuriféraires de l’actuel disgracié bien au show dans leur innocence. Rien de neuf sous le soleil.
Pour ma part, dans ces remous de cette affaire bien mal nommée, puisqu’il s’agit bien plus de l’affaire des bien-pensant, des tenants du haut du pavé intellectuel et des pignons sur rue, dont Matzneff n’a été qu’un habile marionnettiste, je trouve encore le moyen d’être déniaisée : je suis de la génération de Vanessa Springora, j’ai eu à me farcir ce mot d’ordre « jouir » et l’idée que j’étais une créature infirme, inhibée et sans charme puisque ce que j’entendais qui faisait saliver ces « premiers de cordée », parmi lesquels Bernard Pivot, me glaçait les sangs, me culpabilisait ; bien plus tard, hier précisément, abonnée au journal Le Monde mes sangs se glacèrent en voyant la une et mes dernières illusions concernant la qualité d’objectivité de ses journalistes et de sa ligne rédactionnelle sombrèrent au fur et à mesure que je lisais l’article de Catherine Vincent.
Bon, il y a eu un droit de réponse réservé à Catherine Dolto. À lire l’article du Monde, Françoise Dolto, à l’épreuve du doute, de Catherine Vincent on doit se pincer tant les arguments qui défilent sont spécieux : « C’est là qu’intervient la psychanalyse, et sa théorie de la sexualité infantile. »
Puisque c’est l’idée que l’enfant serait une personne à respecter qui conduit à l’idée que l’enfant puisse consentir à une relation sexuelle avec un adulte.
Dolto, qui martela tout du long de sa carrière que les parents devaient prendre leur plaisir avec leur conjoint et non pas avec leur enfant tout comme elle répéta qu’un enfant devait apprendre à supporter la castration symbolique, devient sous la plume des journalistes le parangon du vice.
Dolto devient donc une incarnation de Tartufe et puisqu’on n’a plus peur du ridicule et de la contradiction dans ce monde « de l’édition » dont les journaux sont des acteurs pas secondaires, ne leur déplaisent, on ressort cette antienne de Freud coupable de lâcheté face à la réalité de l’agression sexuelle : « … les psychanalystes auraient une propension à ignorer la réalité du traumatisme de l’inceste. (…) La faute en reviendrait à Freud (…) A (Sic !) l’acte réel, Freud substitue un fantasme d’inceste, le complexe d’Œdipe. »
Quel splendide étalage d’ignorance et quel boulevard au retour du refoulé le plus fétide s’ouvre sous nos yeux : seuls les actes réels sont fauteurs de troubles, le reste, comme les fantasmes, ne sont que billevesées dans la vie des êtres parlants.
Quel est le psychanalyste qui n’a pas eu à entendre les effets d’un fantasme incestueux et à faire son travail d’analyse d’un tourment parlé pour la première fois : « Je crois que j’ai fait une fellation à mon père. » ?
Quel psychanalyste n’a pas eu à faire le travail de désintrication entre réel et fantasme lorsqu’il est saisi d’un fait de viol avéré : « Je savais que je ne devais pas accepter ce dernier verre avec lui ! ».
Le psychanalyste n’a pas le pouvoir de se faire sourd à ce qui est douloureux. C’est notre travail et Freud et Dolto, (qui n’est pas dans le suivi de Mélanie Klein ou d’Anna Freud) et Lacan peuvent être diffamés cela ne changera rien au fait que l’être – journaliste ou pas – souffre de ses pensées en lien avec un fait réel ou fantasmé.