“Pour nourrir la position d’objet petit a“
Fernando de Amorim
Paris, le 2. X. 2012
« L’activité psychanalytique est difficile et exigeante, elle ne se laisse pas manier aussi aisément que des lunettes qu’on chausse pour lire et qu’on enlève pour aller se promener. En règle générale, la psychanalyse possède le médecin totalement ou pas du tout. Les psychothérapeutes qui se servent aussi à l’occasion de la psychanalyse ne se trouvent pas, à ma connaissance sur un terrain analytique solide, ils n’ont pas accepté toute l’analyse mais ils l’ont diluée, peut être “désintoxiquée” ; on ne peut pas les compter parmi les analystes. Je trouve que c’est regrettable ;… »
S. Freud, XXXIVe conférence, 1933
La passe est une voie possible de vérification de ce qu’est une psychanalyse et de ce que ce n’est pas.
Le résultat de la passe, au sein du Réseau pour la Psychanalyse à l’Hôpital, installe celle ou celui qui avait occupé la position de supposé-psychanalyste – ce qui est indication et de ce que l’être est dans la position de psychanalysant et de la confiance du RPH en ses cliniciens –, dans la position de psychanalyste.
Position de psychanalyste et non place de psychanalyste car il n’existe pas de maître en psychanalyse.
Ainsi, au sein du RPH, j’avais instauré un dispositif de passe inspiré de la proposition de Lacan pour que nous puissions repérer avec des i) données cliniques sous forme de moments cruciaux récoltés pendant la cure ; ii) données cliniques écrites par le clinicien après la sortie de la psychanalyse du psychanalysant, et enfin par iii) témoignage oral devant les membres cliniciens de notre école et des membres psychanalystes d’autres institutions pour vérification qu’il y a bien eu psychanalyse. Et parce qu’il ne saurait y avoir de place réservée au vieux maître, tout comme pour éviter le versant maître vieux, la personne qui interroge le candidat qui témoigne, livre ses arguments étayant sa vérification en positif ou en négatif.
J
e n’aime pas le dicton « Pour vivre heureux vivons caché » lorsqu’il s’applique à un psychanalyste. Un psychanalyste ne se dérobe pas de sa position lorsqu’il est interrogé sur ce qu’est être psychanalyste.
Et pourtant ils se dérobent. Ils se dérobent d’abord du divan. Ah ! Les coquins !
Pour cette raison, j’aime et je fais usage de la formule « La psychanalyse du psychanalyste est sans fin ». Je dis qu’elle est « sans fin » pour protéger, en premier lieu, le psychanalysant et, ensuite, la psychanalyse, du moi du psychanalyste.
J’aime, en revanche, la formule « Charité bien ordonnée commence par soi-même » qui illustre le fait qu’à ce jour je continue ma psychanalyse, commencée en septembre 1981. Et cela pas par dépendance transférentielle, pas par structure, pas par symptôme, mais pour nourrir la position d’objet petit a. Si je ne nourris pas cette position, je fais fi de la castration exigée par la positon de psychanalyste.
La preuve de ce que le psychanalyste a horreur de son acte et qu’il fuit le divan est cette dissémination de grands Autres ; des grands Autres absolus, comme dit Lacan dans le séminaire intitulé « Les psychoses ».
Il en est qui occupent la place de psychanalyste et dorment sur leurs deux oreilles, pensant qu’ils n’ont plus besoin de retourner sur le divan, ou qu’ils n’y retourneront que pour une tranche d’analyse, comme si la psychanalyse était un salami ! C’est ainsi que le psychanalyste est ami de la psychanalyse nourricière : il veut la débiter en rondelles, quand il ne veut pas simplement la fin de la psychanalyse !
Pour eux, parler d’entrée en psychanalyse est acceptable, mais pas de sortie de psychanalyse. Ils veulent la terminaison, la fin de la psychanalyse, l’autre nom de la destruction. S’agit-il d’une destruction claire ? Non, la destruction est larvée. Elle se produit sous forme de désintoxication, comme disait Freud.
Ainsi, pour ne pas tergiverser davantage et bannir cette notion trompeuse de chronologie de l’affaire de l’inconscient, nous tranchons les nœuds gordiens en disant que la psychanalyse du psychanalyste va jusqu’à sa retraite !
La cartographie du RPH est une réponse qui se fait sur le terrain des indications de Lacan. La passe du RPH suit ces mêmes indications.
On peut s’autoriser de soi-même, mais il est évident que cela n’est pas suffisant pour que la communauté psychanalytique et la Cité puisse repérer leurs petits.
La vérification, l’examen, font partie quotidienne de la vie clinique des psychanalystes. Ils sont, à chaque séance, scrutés sur ce qu’ils font. Il est temps qu’ils ordonnent ces données de manière à ce que, en Europe, dans les Amériques ou en Asie, il soit possible de repérer ce qu’est une psychanalyse, ce que ce n’est pas, et pourquoi.
Finie la récré !