L’écoute téléphonique : d’un apaisement à un savoir sur soi
Lucille Mendes
Paris le 1er novembre 2017
Le Service d’Écoute Téléphonique d’Urgence? (SÉTU ?) est un dispositif clinique mis en place par le Réseau pour la Psychanalyse à l’Hôpital (RPH – École de psychanalyse). Il s’agit de permanences téléphoniques assurées 24h/24, 7j/7 par des cliniciens du Réseau. Ces cliniciens occupent, vis-à-vis des personnes qu’ils reçoivent en consultation, la position de psychothérapeute ou de supposé-psychanalyste1.
Chaque année, les cliniciens qui assurent ces permanences font le même constat : vacances d’été, week-ends, jours fériés, les appels sur la ligne téléphonique du SÉTU ? se font plus nombreux. Les appelants disent bien souvent qu’ils contactent le SÉTU ? car ils ne trouvent nulle part ailleurs où déposer leurs paroles. Par exemple, un appelant nous dit : « Je vous appelle car tous les autres services sont fermés, comme si les jours fériés je n’avais plus le droit de souffrir ». Un autre nous indique : « J’ai trouvé votre numéro. Je suis déjà suivi par une psychologue mais elle est partie en vacances. Je ne peux pas attendre son retour pour parler à quelqu’un ».
Cette première écoute des symptômes qui font souffrir les appelants permet la plupart du temps un apaisement direct – « rien que le fait de vous parler, ça va déjà mieux », dit l’un d’entre eux. Cette parole et les interventions du clinicien, qui visent à faire naître le transfert, peuvent avoir déjà aussi un effet sur la résistance du surmoi. La résistance du surmoi prend racine dans un sentiment de culpabilité inconscient et un besoin de punition. Elle pousse l’être dans des voies destructrices pour sa vie – « J’ai honte de vous dire ça mais je pense même à prendre des médicaments pour ne plus souffrir, pour m’endormir, pour ne plus y penser », confie un appelant. Le premier appel au SÉTU ? peut permettre déjà de viser cette résistance du surmoi et d’ouvrir une autre voie, celle de la parole.
C’est pour ces raisons aussi que les cliniciens du RPH laissent la possibilité aux patients et aux psychanalysants qu’ils reçoivent en consultation de les contacter en cas d’urgence en dehors des séances ou pendant leurs vacances. En effet, durant les périodes où l’angoisse est à son acmé, savoir qu’il est possible de parler au clinicien qui conduit sa cure permet déjà d’apaiser l’être. De plus, ces séances téléphoniques donnent l’accès à un matériel clinique précieux pour l’avancée de la cure.
Enfin, dans certains cas, la rencontre téléphonique au SÉTU ? avec un clinicien du RPH peut éveiller en l’être souffrant un désir de reconnaissance « du conflit entre le moi et le désir inconscient »2 voire un désir de savoir – « je me demande vraiment pourquoi je me retrouve toujours dans une position d’objet dans mes relations », s’interroge une appelante. L’appel téléphonique devient alors une porte d’entrée vers une psychothérapie ou une psychanalyse ; vers un savoir sur ce que les symptômes ont à exprimer que l’être ignore encore.
1 D’après la cartographie du RPH, établie par Fernando de Amorim, le psychanalysant installe le clinicien qui conduit sa cure dans la position de supposé-psychanalyste lorsqu’il entre en psychanalyse. C’est à la sortie de sa psychanalyse, lorsque le psychanalysant devient sujet, que le supposé-psychanalyste est reconnu, par ses pairs, psychanalyste de cette cure.
2 Amorim (de), F. (2008). Tentative d’une clinique psychanalytique avec les malades et les patients de médecine, RPH, Paris, p. 144.