Psychiatrie et clinique psychanalytique
Pour une clinique de l’espérance
Diane Sourrouille
Paris, le 22 février 2017
Monsieur Claude vient me rendre visite suite à un appel qu’il fait sur la ligne du SÉTU ? Il sort d’hospitalisation et suit un traitement médicamenteux lorsque je le reçois. Il souffre d’une rupture amoureuse et de sa relation avec sa famille, d’une dépendance à l’alcool ainsi que de son instabilité professionnelle. Lors des premières séances, il m’apprend qu’il a commencé à être hospitalisé depuis l’adolescence pour des tentatives de suicide et qu’il s’est rendu compte qu’il se retrouve, depuis, hospitalisé au moins une fois par an l’amenant à rompre ses contrats de travail par honte. Il décrit alors la détresse dans laquelle il se retrouve à chaque hospitalisation car il sait que cela ne résout rien pour lui tout comme la prise d’antidépresseurs et d’anxiolytiques qui « l’abrutissent mais ne règlent pas le fond ».
Depuis plus de trois ans, je le reçois deux fois par semaine dans le cadre d’une psychothérapie avec psychanalyste, position transférentielle théorisée par Fernando de Amorim. Cette formulation veut dire que le clinicien accepte d’être mis à la position de psychothérapeute par le patient mais sans s’y croire, croire qu’il sait. Ainsi, il propose déjà au patient de suivre les règles de la psychanalyse afin de ne pas laisser ce dernier jouir de son aliénation ou de se retrouver lui-même dans la position de spectateur, de maître.
Les règles de la méthode psychanalytique consistent notamment à demander au patient d’associer librement ses pensées, de venir régulièrement, plusieurs fois par semaine, de relever les formations de son inconscient comme autant de manières d’installer et nourrir le transfert pour qu’ensuite puisse s’ouvrir une voie pour la castration symbolique. Cette technique proposée par Fernando de Amorim, à partir de la clinique de Freud et de Lacan, est nommée « technique de l’écarteur ».
L’effet d’une psychothérapie avec psychanalyste est de réveiller le désir du patient qui est étouffé par sa souffrance, écrasé par l’angoisse ou abattu par sa tristesse. À ce stade, la libido du patient est engouffrée dans la voie symptomatique et l’être se sent pris dans un cycle infernal dont il ne voit pas la fin.
Le travail clinique engagé avec Monsieur Claude lui a permis d’arrêter, en accord avec son médecin, le traitement médicamenteux qu’il suivait, il a pu également diminuer drastiquement sa consommation d’alcool et a signalé qu’il avait moins envie de mourir. À un moment, il a pris à nouveau un traitement puis l’a arrêté et a eu recours une fois aux urgences mais sans que cela ne le conduise à une hospitalisation. Durant cette période de tempête, il a voulu abandonner sa cure, tentative dernière de sabotage de son désir puis finalement il a accepté de venir tous les jours pour sortir de cette impasse.
Depuis, la tempête s’est calmée, mais Monsieur Claude signale que le problème n’est pas résolu, il le sait.
Remarquons tout de même les effets qu’il signale dans sa cure : moins d’hospitalisations et de prises de médicaments, diminution de la prise de toxiques. Et pour la première fois, il a pu reprendre le poste qu’il occupait suite à son dernier arrêt de travail.
Ces effets sont à traduire également au niveau de la cité : une diminution des dépenses de la sécurité sociale en arrêts de travail et en médicaments, le désengorgement des services d’urgence, un employeur qui n’a pas à former un nouveau salarié.
Si le travail d’excellence des services psychiatriques français a permis de bricoler un étayage chimique précaire, il n’est pas suffisant pour enrayer la répétition dans laquelle se trouve pris Monsieur Claude. Seule une clinique du partenariat, selon la formulation proposée par Fernando de Amorim, entre les professionnels de la psychiatrie et les cliniciens formés à la psychanalyse offre d’autres horizons et ouvre la voie d’une clinique de l’espérance.