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Lettre du RPH Août 2018

 

  Lettre du RPH

Édith de Amorim

Août 2018

Les fagots du BPI

         Août expire mais bouge encore : orages, démission attendue qui surprend quand même, augmentations en tout genre et tout poil et quelques fagots, de derrière il va sans dire (je rentre de vacances toujours un peu hâlée de peau et d’âme !)

         Août passé à me brunir, heu… me colorer, … bon, me hâler sans pour autant chercher à infiltrer le KKK (Cf. : BlacKkKlansman film de Spike Lee, drôle et glaçant), ni à faire sauter les lignes à très haute tension (Cf. : Woman at war, film de Benedikt Erlingsson, pas drôle et un peu pathétique) et à prendre soin de mon histoire d’amour mieux que Fiona Maye (Cf. : My lady, film de Richard Eyre, qui lève un voile sur le quoi de l’amour) ce qui ne relève pas de l’incommensurable défi, d’autres l’ont passé, ce mois d’été, à consolider un beau projet.

         Ces autres sont Fairouz Nemraoui et Alexis Pochez en particulier. Quant au projet, il n’a rien de neuf, d’inédit, mais ce sont eux – et Alexis me corrige en précisant que c’est surtout Fairouz – qui auront réussi à le porter jusqu’aux fonds baptismaux.

         Ce projet est celui de la naissance d’une coopération, d’une association, entre la Consultation Publique de Psychanalyse et une Commune, en l’occurrence il s’agit de Créteil où, à compter du 21 septembre 2018, la CPP Créteil ouvrira ses portes à la Maison de la Solidarité de la ville et accueillera tous les Cristoliens qui souhaiteront venir parler leur souffrance à un quelqu’un dont c’est le métier d’écouter sans se laisser emporter, sans perdre le cap. Cette CPP Créteil a déjà sa ligne téléphonique : 07.63.04.69.62., c’est beau le désir.

         Ces consultations sont ouvertes à celles et ceux, à la condition qu’ils habitent à Créteil, qui veulent partir d’un autre pied dans leur vie. Au RPH (Réseau pour la Psychanalyse à l’Hôpital-École de Psychanalyse) ces consultations ouvertes à tous ne sont plus, depuis longtemps, à l’état de projet mais bien effectives et efficaces. Comment ? Y sont accueillies des personnes en souffrance qui viennent la dire et qui payent selon leur moyen. Cet engagement politique et social qui démontre comment la psychanalyse a toute sa place dans la Cité en permettant à l’être en marge, isolé, de revenir dans le bain, le mouvement vers l’avant, de trouver sa solution pour une vie autrement avec lui-même et les autres, cet engagement, cet entêtement même, est une traduction et une adaptation du Président du RPH de l’idée freudienne à laquelle Max Eitingon, Karl Abraham et Ernst Simmel ont donné corps en 1920 en créant le Berliner Psychoanalytisches Institut (BPI). La Consultation Publique de Psychanalyse sort donc de derrière les fagots du BPI, comme un bon vin. En revanche, les consultations ne sont pas gratuites à la CPP car le paiement est un acte symbolique fort qui engage l’être avec son désir de savoir sur ce qui le freine, l’entrave, l’empêche…

La première CPP est née en 1991, à l’Hôpital Avicenne. Depuis 2005, il existe la CPP de Paris, sise dans le IXe arrondissement et d’autres à Nanterre (Madame Ouarda Ferlicot), à Saint-Germain-en-Laye (Monsieur Matthieu Julian), à Charenton-le-Pont (Madame Fairouz Nemraoui), à Deuil-la-Barre (Madame Léa-Lou Ramel), à Evry-Courcouronnes (Monsieur Alexis Pochez) et à Morsang-sur-Orge (Madame Lucille Mendes). Tous ces lieux fonctionnent sans aucune subvention et nombre de témoignages de ces cliniciens font état de renflouements.

         La CPP Créteil, elle, pourra témoigner des mêmes effets mais à l’échelle d’une  ville  de quatre-vingt onze mille quatre cent cinquante et un habitants (dernier chiffre de 2015) et aura le soutien, outre du désir de ces cliniciens, de celui de l’équipe municipale – donc de leur désir – et des infrastructures.

 C’est un changement d’échelle qui est d’importance : les temps on le sait ne sont pas aux cadeaux, aux yeux clos, aux bourses déliées et peut-être est-ce mieux ainsi. Nécessité faisant loi pas toujours pour le pire puisqu’elle pourrait alors dessiller les yeux de certains responsables de Ministères qui, depuis longtemps déjà sont sollicités par le RPH pour un engagement dans la création de tels lieux ; hauts responsables qui après avoir fait les yeux de merlan frit ont fait le dos rond, la sourde oreille, la moue dubitative et rien. Que voulez-vous : l’opulence a ceci de gênant, c’est qu’elle nous conserve, « … au temps de l’automobile, la mentalité du char à bœufs. » (Marc Bloch, Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien, 1993, p. 81.)

L’impérieuse nécessité abat les murs qu’érigent le confort, le confortable, l’habituel, la paresse. Si vis pacem, para bellum, dit-on or, il y a tant de manière de guerroyer que je préfère le para bella et vous dire que la CPP est un bon moyen de prévoir une vie en paix.

Salles obscures : il y fait frais (même si ça pue, parfois)

Woman at war, film islandais de Benedikt Erlingsson, avec (accrochez vous) Halldora Geirhardsdotti, Jóhann Sigurõarson… C’est l’histoire d’une femme qui mène sa guerre contre l’industrie de l’aluminium pas tout à fait toute seule mais seule sur la ligne de front, son aide de camp, un homme un brin gringalet est à l’arrière fonctionnaire dans un ministère et un peu trouillard. Une guerrière qui sera sauvée par un gros et grand monsieur paysan et seul comme elle qui vit avec ses troupeaux et sa chienne (nommée Woman) qui lui obéit au doigt et à l’œil (!) et par sa sœur jumelle et qui ira chercher en Ukraine une petite orpheline pour l’adopter. Le plus édifiant est ce qu’en dit la réalisatrice :

« Il est clair pour moi que les droits de la nature doivent être considérés au même niveau que les droits de l’Homme (…) Nous devons comprendre collectivement que la nature possède un droit intrinsèque et une nécessité d’exister en dehors de nos besoins humains et du système économique. »

Moi, je n’aime pas la nature ! (Schtroumpf grognon)

Blackkklansman : j’ai infiltré le KuKluxKlan, film de Spike Lee, avec John David Washington, Adam Driver et des autres formidables. Bon, le tableau est toujours le même mais on peut compter avec Spike Lee pour nous apporter la preuve qu’aux Etats Unis en 2017 c’est toujours la même Bellum qui opère ; on rit et on vomit.

Des paroles Bella

Celles d’Aimé Césaire parmi les plus belles paroles Bella

Défaire et refaire le soleil

Poème d’Aimé Césaire, Ferrements et autres poèmes, Édition du Seuil, Paris, 1994, pp. 127-28

demeure faite dont ne sait à quel saint se vouer

demeure faite d’éclats de sabre

demeure faite de cous tranchés

demeure faite de grains de la pluie du déluge

demeure faite d’harmonicas mâles

demeure faite d’eau verte et d’ocarinas femelles

demeure faite de plumes d’ange déchu

demeure faite de touffes de petits rires

demeure faite de cloches d’alarme

demeure faite de peaux de bêtes et de paupières

demeure faite de grains de senevé

demeure faite de doigts d’éventails

demeure faite de masse d’armes

demeure faite d’une pluie de petits cils

demeure faite d’une épidémie de tambours

quel visage aurions-nous à ne pas défier la mer d’un pied plus retentissant que nos cœurs à grenouilles

Demeure faite de crotte de poule

demeure faite de sumac toxique

demeure faite de plumes pour couronne d’oiseau-mouche

Geôlier est-ce que vous ne voyez pas que mon œil toujours serré dans mes poings crie que mon estomac me remonte à la gorge et l’alimente d’un vol de ravets nés de sa mouture de saburre ?

Bel ange intime usure la mienne la vôtre le pardon est un pied-plat à bannir de notre vue mais ma colère m’apporte seule le bouquet de votre odeur et sa poignée de clés.

Puissant d’elle naissez comme d’elle je nais au jour.

Geôlier mes poings serrés, m’y voici, mes poings serrés, m’y voilà dans ma demeure à votre barbe.

Demeure faite de votre impuissance de la puissance de mes gestes simples de la liberté de mes spermatozoïdes demeure matrice noire tendue de courtine rouge le seul reposoir que je bénisse d’où je peux regarder le monde éclater au choix de mon silence