La psychanalyse du psy pour l’aider à tenir la barre
Fernando de Amorim
Paris, le 25. I. 2012
L’hebdomadaire « Marianne » a publié dans son édition du 21 janvier 2012, un article intitulé « D’anciens malades à la rescousse des psys ». Nous découvrons ainsi que quelques personnes, ayant vécu l’épreuve de la maladie mentale, seraient appelées à la rescousse des psychistes (psychologues, psychiatres) car plus aptes à accompagner celles et ceux qui sont en pleine tempête psychique.
Nous voilà au cœur de ce qui m’avait poussé à organiser un débat avec les candidats à la présidentielle le 5 avril 2012 au 26 bis rue Cassette dans le VIe arrondissement. Nous avons en France du beurre et du pain de toutes façons mais nous ne savons plus faire de tartine !
Ces personnes, présentées comme des ex-malades, n’ont rien à faire dans un hôpital ! Un hôpital est un lieu hospitalier – il devrait l’être, il n’est pas toujours – pour que les êtres dans la position de malade (Cf. Cartographie du RPH), puissent savoir ou faire avec ce qui leur arrive, pour ainsi quitter au plus vite cette position de malade tout comme l’institution hospitalière, et reprendre leur vie, dans la mesure de leurs moyens.
Ce n’est pas toujours facile, c’est même difficile, et extrêmement même pour quelques-uns de nos compatriotes et pour leurs familles (je pense ici à l’autisme), mais dans une époque déboussolée, il en faut quelques-uns qui tiennent le cap !
Les psys déboussolés sont celles et ceux qui ne sont pas amis du divan, qui résistent à se soumettre à une psychanalyse personnelle. Les bienfaits de pouvoir trouver quelqu’un de sa confiance pour dire ce que, parfois, souvent, on n’ose pas avouer à soi-même, est de la plus haute importance dans une vie. Et seule la psychanalyse est propice à une telle rencontre.
Ces ex-patients devraient être soutenus sur leur chemin pour trouver un travail hors du champ de l’hôpital, très loin de l’hôpital. Quand bien même on peut entendre qu’ils souhaiteraient devenir cliniciens, alors qu’ils fassent les études proposées par nos facultés, qu’ils entreprennent une psychanalyse. La difficulté réside en ce que ces personnes sont présentées – et se présentent – comme des objets de référence.
Nous savons que c’est cette logique qui opère au Canada et aux États-Unis.
C’est en cela que nous devons, avant de nous cantonner à un bien fade copier-coller de ce que font les autres, faire le tour de ce qui a été mis en place chez nous. Chez nous, la parole compte en tant qu’instrument, comme voie d’accès au désir, voire comme filet possible, où quelques-uns peuvent s’accrocher pour que leur existence soit possible et même moins impossible.
Les psys sont aux abois car ils sont confrontés à des situations sans issues et qu’ils n’osent pas les signaler par absence de repère théorico-clinique. Que les psys demandent aux malades de faire leur travail est la preuve incontestable qu’ils sont dépourvus de stratégie, de repère, de boussole, cliniques.
Quinze à vingt ans sont nécessaires pour former un clinicien, mais dès que son désir de rencontrer des patients affleure, nous devons l’appuyer à mettre en place ce projet.
D’où l’importance de renvoyer les jeunes étudiants, épaulés par des praticiens plus expérimentés, vers l’hôpital. L’hôpital qui est comme le phare des Grands Cardinaux au milieu du XIXe, lieu difficile mais essentiel pour la formation et pour la reconnaissance du désir décidé. C’est dans ce phare que les jeunes candidats faisaient leur préparation pour devenir, effectivement, gardiens de phare.
La jeunesse du clinicien, sa psychanalyse personnelle et l’appui de son superviseur, sont des fondements majeurs pour qu’il puisse apprendre à écouter et à mener la cure – psychothérapie avec psychanalyste ou psychanalyse – à bon port.
Un psy ce n’est pas « la parole », tout comme un ex-malade n’est pas « la preuve », comme avait dit une brave dans ce même article. Nous avons dans cette phrase la preuve par la parole qu’il est très important que les psys retrouvent le chemin de leur psychanalyse personnelle, au risque de passer à coté de leur désir et pousser d’autres à faire de même !