La danse du transfert
Fernando de Amorim
Paris, le 20. IX. 2011
Un des processus de naissance du transfert commence par l’appel téléphonique de l’appelant- c’est-à-dire, celle ou celui qui appelle-, vers le clinicien du SETU ? (Service d’écoute téléphonique d’urgence). D’emblée, la visée du clinicien est d’opérer pour installer le transfert, ce qui, s’il réussit l’opération, fera que l’appelant vienne à la consultation à l’extérieur, notre CPP (Consultation publique de psychanalyse). Cela est possible si l’appelant accepte d’occuper la position de patient et ainsi d’entrer dans la danse du transfert.
Pour le lecteur novice, nous reconnaissons trois moments du psychanalyste dans sa relation transférentielle avec l’institution. Le premier est « l’hospitalisation ». Il s’agit de la rencontre entre un malade et un psychanalyste. Ce moment se caractérise par le fait que le psychanalyste, comme le médecin, va au chevet de l’être dans la position de malade ; le deuxième moment, appelé « consultation externe », comme en médecine, se caractérise par la possibilité de l’être de se déplacer hors de sa chambre et venir ainsi rencontrer le psychanalyste dans sa consultation, toujours dans l’enceinte de l’institution. Libidinalement parlant, par sa capacité de venir vers nous et non plus nous vers lui, il n’est plus considéré comme occupant la position de malade mais comme occupant la position de patient. Une fois que les médecins lui donnent leur accord de quitter l’hôpital et qu’il vient nous rendre visite hors des murs de l’hôpital, à la CPP ou à la consultation privée, il est dans le troisième moment que nous avons évoqué à la fin du premier paragraphe, à savoir, celui de la « consultation à l’extérieur ».
En arrivant à la consultation à l’extérieur, à notre CPP, nous pouvons constater que, pour de vrai, le transfert est né à l’instant où l’appelant a pris contact téléphonique avec notre service d’écoute téléphonique. Mais cela n’est pas suffisant. Loin de là. Il faut passer au deuxième temps : l’installation du transfert. Cela est mis en place, « Selon un accord intime / Telles la main droite et la gauche », par l’écoutant. C’est une citation extraite du poème « Le gardeur de troupeaux » du poète portugais Fernando Pessoa.
Enfin, c’est l’écoutant, mis dans la position de psychothérapeute ou de supposé-psychanalyste, selon notre cartographie, qui commence le temps du nourrissage du transfert.
Un transfert se nourrit. Il ne s’agit pas ici de suggestion, ou de séduction, formes simplettes et feu de paille. Le feu de paille n’est pas de Charme, il est charmeur, volumineux, flamboyant et chaud pendant un temps très bref. Le Charme, lui, peut passer une nuit à brûler, se consumer. C’est ce bois-là qui intéresse le psychanalyste qui reçoit un appel téléphonique dans notre service d’écoute téléphonique d’urgence (SETU ?).
Je rapproche le Charme de la konstante Kraft freudienne. C’est cette dimension pulsionnelle du désir que le psychanalyste compte réanimer.
Dans l’accueil du transfert naissant (au moment de l’appel), de l’installation du transfert (par l’accueil de l’écoutant), nous pouvons repérer, ou non, la présence du désir du psychanalyste.
S’il n’y a que du désir de l’écoutant cette conversation tournera en blabla et la relation deviendra flasque et se limitera « au besoin de parler », de « vider son sac », comme disent si bien quelques appelants, exprimant ainsi le vrai de leurs intentions.
Du côté du clinicien, du psychanalyste, la présence du désir sera encore plus évidente, au moment du nourrissage du transfert. Ici il met du sien et cela pourra permettre qu’un patient, dans notre CPP, puisse devenir psychanalysant.
Ce qui appuiera, soutiendra, toute la traversée d’une psychanalyse jusqu’à sa sortie, où le psychanalysant devient sujet, c’est la capacité du psychanalyste d’y mettre de son désir de psychanalyste. Cela est possible s’il accepte d’occuper la position de semblant d’objet a.