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De l’objet a à l’objet rien

Fernando de Amorim
Julien Faugeras
Édith de Amorim
Paris, le 12 juillet 2024

Un psychanalysant associe librement l’idée qu’il est né de l’anus de son père et qu’il est un déchet. Ce fantasme a été déjà évoqué par Lacan, où Luther dit quelque part que l’homme est né de l’anus du diable. Amorim avait contacté les autorités protestantes en France qui ont eu vent de cette formule apocryphe de Luther, selon Lacan. L’échange fut fort intéressant, riche et d’une grande érudition de leur part. L’autorisation de publier leurs échanges a été refusée catégoriquement. En résumé, personne ne sait où Lacan est allé piocher ladite formule.

Ce que le psychanalysant apporte dans son discours correspond à un fantasme originaire.

Cependant, avant de demander au psychanalysant d’interpréter son fantasme, il faut déjà lui demander si c’est un fantasme, s’il valide qu’il s’agit bien d’un fantasme.

Si le clinicien valide à la place du psychanalysant, le premier aliène le deuxième. En interprétant à la place de l’autre, le clinicien s’aliène et aliène l’autre. Partir du principe que c’est un fantasme, indique que le clinicien opère à partir de la position de « a » et non de « Ⱥ’ » (Cf. schéma ci-dessous) :

Schéma freudo-lacanien de l'appareil psychique
Schéma freudo-lacanien de l’appareil psychique

Le clinicien se laisse aliéner par son Moi, car il croit avoir compris qu’il s’agit d’un fantasme et, à ce moment, il introduit son aliénation dans le discours du psychanalysant. À partir de cet instant, le psychanalysant peut répondre à l’aliénation du clinicien dans une sorte de ping-pong aliénant pour le Moi du psychanalysant et aliéné par le Moi du clinicien. Il faut mettre en évidence que cette aliénation est constitutive du début de la vie de l’être dans le monde.

En revanche, si le psychanalysant valide et reconnaît qu’il s’agit d’un fantasme originaire, que c’est pour cette raison qu’il se sent une crotte, le clinicien laisse travailler le psychanalysant.

Quand le psychanalysant fera le tour de sa position d’objet a, qu’il arrivera d’où il est parti, à savoir, de l’Espagne, tel un marin de Magellan, le clinicien aura l’indication qu’il n’occupera plus cette position de déchet et signera ainsi, sa sortie de psychanalyse.

Le fantasme originaire est lié à la position de l’objet a ; à un moment donné, avec la traversée du fantasme, lorsque le psychanalysant ne sera plus dans la position d’excrément, il n’aura plus l’objet a pour s’y accrocher, il n’y aura plus rien. À ce moment-là, à partir de l’objet rien, l’être s’engage avec la position de sujet. En d’autres termes, l’être construit sa position de sujet et donc construit sa responsabilité de conduire aussi sa destinée, porté par le rien.

Il peut dorénavant s’appuyer sur le rien pour avancer. Cela veut dire que rien n’est sûr. Le rien ne s’arrête jamais et le sujet sait qu’il sera arrêté à n’importe quel instant. C’est cette incertitude à être qui justifie la naissance, la croissance et l’excroissance du Moi. Ce qui justifie la position de sujet c’est son rapport avec l’objet rien. Dans la position de psychanalysant, l’être s’appuie sur l’objet petit a. Quand il sort de psychanalyse, il est dans la position de sujet, confronté à l’objet rien puisque l’objet a est définitivement perdu pour lui ; il le sait véritablement maintenant et il porte ce savoir. Dans la position de sujet, il va commencer à avancer au quotidien, à construire sa responsabilité de conduire aussi sa destinée, appuyé sur rien. L’être dans la position de sujet sait qu’il n’y a plus rien pour le tenir, plus de papa, plus de maman, plus d’autre. Il ne compte plus avec personne, il ne compte qu’avec son désir. C’est ce qui le rendra véritablement humain.