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Le piétinement du transfert en institution

Édith de Amorim
À Paris, le 19 avril 2024

Quand un psychothérapeute travaille en institution il doit avoir bien présent à l’esprit que le transfert qu’il a à faire naître, installer et nourrir sera piétiné sans aucun égard, ni respect, ni même sans reconnaissance de ce qui est ainsi abîmé. Le médecin refusant la proposition thérapeutique d’inviter un parent à dire son mot sur l’enfant ; l’infirmière qui demande ce que le patient a dit au thérapeute ; l’assistante sociale qui entre d’autorité dans la chambre alors que le psychothérapeute et le patient travaillent ; il n’est pas jusqu’à la dame de service qui ne dise pas son mot au patient sur tout le mal qu’elle pense du thérapeute.

C’est le cadre du travail psychothérapeutique en institution et l’écueil principal pour le thérapeute sera la relation imaginaire et le conflit inévitable qui s’ensuivra s’il y entre. Face à ce piétinement du transfert, il n’est qu’une solution : la souplesse, supporter la non reconnaissance des autres, sans pour autant céder sur son désir et sur son éthique. L’aimable composition trouve ici ses lettres de noblesses. Pas d’ennemi en institution, de l’ignorance, sans doute, mais docte et qui s’amende pour peu qu’on ne considère pas l’autre, voire l’Autre, comme un ennemi, un imbécile.

Apprendre à faire de ces autres, Autres, des alliés de la cure en institution, cela fait partie du travail et en premier lieu celui de cônifier le transfert qui est en train d’être installé et déjà si difficile à nourrir. Cônifier laisse entendre qu’il faut que, de tous ceux qui s’affairent auprès du patient, le thérapeute puisse se retrouver pour la séance seul avec ce dernier. Ce temps de la séance, temps obstétrical s’il en est, doit pouvoir trouver son espace dans un cadre institutionnel apaisé qui laisse l’espace pour que la parole advienne. Pour ce faire, c’est au thérapeute de faire la démonstration qu’il reconnaît ce travail des autres autour du patient et qu’il respecte ces différents cadres ; le thérapeute en institution n’a pas la priorité comme il peut l’avoir lorsqu’il reçoit en ville et pour autant il a à veiller à ne pas laisser ce transfert singulier être piétiné, méprisé.

L’institution n’est pas une arène, c’est plutôt un territoire où il convient d’apprendre à y marcher sans les pesanteurs d’un système éloigné des effets du désir inconscient toujours présent quel que soit le cadre.