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Pour une chirurgie symbolique !

 

Pour une chirurgie symbolique !

Laure Baudiment

Lagny, le 15 mai 2018

Nous sommes souvent confrontés dans nos cliniques aux demandes de réparation imaginaire des corps abîmés de ceux qui nous consultent et nous ne pouvons que leur demander de patienter un peu et certains – grâce à l’autorité du transfert – nous écoutent.

Ce « peu » peut être un temps relativement long – puisque rappelons-nous que le temps de l’inconscient n’a rien à voir avec le temps chronologique – et il pourra alors déboucher non pas sur une chirurgie réelle mais bel et bien sur une chirurgie symbolique qui entraînera une réparation du filet lui aussi symbolique qui emmaillote le corps, tel un nouveau né (et non un nouveau nez !) via la parole bien dite.

Notre fil chirurgical est composé de signifiants, d’associations libres, de lapsus, de witz, de paroles vraies qui tricotent un corps apaisé au psychanalysant. Un corps qui vibre, un corps qui swingue, qui peut vivre, manger, danser, aimer sans se goinfrer, s’abîmer, se torturer, se gonfler. La clinique psychanalytique est ce corps-à-corps avec le signifiant qui tricote peu à peu un rapport Autre à l’image corporelle.

Il y a peu, j’ai eu la surprise d’entendre – alors que rien ne laissait présager que ce fruit allait tomber, une psychanalysante dire qu’elle faisait le constat que désormais elle assumait ses seins qu’elle jugeait avant trop petits, qui la complexaient énormément et qu’elle n’utilisait plus désormais de soutien-gorge rembourré. C’était donc du côté imaginaire que cette femme se débattait depuis longtemps avec ses blessures narcissiques qui abîmaient l’image féminine de son corps qu’elle n’avait pu construire de par son histoire et ses identifications.

Le projet d’augmentation mammaire avait lui cédé depuis longtemps, puis la façon de se vêtir avait changé mais pas jusqu’ici la modification de l’image de son corps. Une castration symbolique a pu avoir lieu laissant derrière elle la menace d’un gonflement imaginaire (l’augmentation mammaire).

L’effet castrateur de paroles bien dites s’impose de lui-même. Le moi dégonflé n’a plus besoin d’en rajouter. La résistance du surmoi n’a plus besoin de faire souffrir de ce manque imaginaire, son « jouis ! » glisse aux oubliettes et le moi fait des galipettes dans sa nouvelle salopette beaucoup plus plate certes mais beaucoup plus joyeusement. C’est une avancée dans la cure mais pas encore sa sortie. Le voyage sur la mer œdipienne continue.

Voilà à quoi sert une psychanalyse qui ne doit pas être cet exercice intellectuel en quoi certains la transforment ; ce qui m’évoque ce que Lacan écrit dans les Ecrits : « (…) qu’à expérimenter un moment, (…), ce qu’on a appelé les séances courtes, nous avons pu faire venir au jour chez tel sujet mâle, des fantasmes de grossesse anale avec le rêve de sa résolution par césarienne, dans un délai où autrement nous en aurions encore été à écouter ses spéculations sur l’art de Dostoïewski ». Voilà, au passage, les effets des séances lacaniennes.

Et voilà les effets obtenus dans le réel du corps de cette femme qui souffrait beaucoup.

Voilà la beauté de la clinique psychanalytique. Une psychanalyse sert à apaiser l’être humain grâce à un travail certes de longue haleine mais quelle joie d’entendre cette femme s’exprimer ainsi et de la voir libérée de son carcan imaginaire.

Vive les petites mamelles de la psychanalyse !