La psychanalyse : un traitement efficace contre le suicide
Lucille Mendes
Paris, le 1er juillet 2017
En France, d’après les chiffres les plus récents de l’Observatoire national du suicide, le suicide cause la mort de 9 715 personnes par an tandis que 200 000 autres personnes tentent de se suicider[1]. Ces chiffres, tout à fait alarmants, font de la prise en charge des personnes en détresse psychique un enjeu majeur de santé publique. Depuis plusieurs années, les politiques de santé encouragent donc la mise en place de dispositifs de prévention du suicide mais ceux-ci disposent bien souvent d’un fonctionnement précaire dépendant de financements limités.
Aussi, comment un être en arrive-t-il à choisir une solution dévastatrice pour son existence ? Comment la psychanalyse peut-elle proposer un traitement pour que cet être en souffrance extrême s’engage dans une Autre voie que celle de l’autodestruction ? Comment le RPH – École de psychanalyse propose-t-il un dispositif efficace de prévention du suicide ?
S. Freud, en 1917, propose une compréhension psychanalytique de la mélancolie qu’il compare à l’affect normal du deuil[2]. Il remarque que ce qui distingue la mélancolie du deuil, c’est que l’objet perdu n’est pas forcément mort mais perdu symboliquement en tant qu’objet d’amour, voire difficile à identifier consciemment. Il ajoute que, dans la mélancolie, il existe un trouble du sentiment de soi, c’est-à-dire des auto-reproches et des auto-injures, qui sont en fait des reproches contre cet objet d’amour perdu, retournés sur le moi propre. De la même façon, la tendance au suicide serait une impulsion meurtrière contre autrui dirigée sur soi-même. Dans la présentation d’un cas clinique, il confirme : « Car l’analyse nous a apporté pour l’énigme du suicide cette explication : personne ne trouve peut-être l’énergie psychique pour se tuer si, premièrement, il ne tue pas ainsi du même coup un objet avec lequel il s’est identifié et si, deuxièmement, il ne retourne pas par-là contre soi-même un souhait de mort qui était dirigé contre une autre personne »[3]. La tentative de suicide apparait ainsi à la fois comme la réalisation d’un désir de mort mais aussi comme un accomplissement de punition vis-à-vis de ce désir inconscient.
La psychothérapie et la psychanalyse, en prenant en compte cette dimension inconsciente, permettent à l’être de dénouer ce qui le fait souffrir et de construire grâce, aux effets d’une parole bien dite, des solutions satisfaisantes pour sa vie. Dans le cadre de la prise en charge des personnes qui ont tenté de se suicider, malades, patients et psychanalysants sont invités à associer librement leurs pensées à propos de leur geste suicidaire[4]. Le psychothérapeute ou le supposé-psychanalyste examine le contexte dans lequel la tentative de suicide a eu lieu, le moyen utilisé, s’il s’agissait d’un premier acte autodestructeur ou d’une récidive, quelle était la pensée qui a tout juste précédé la tentative de suicide, etc. Au fil des séances, et soutenu par le transfert, il invite à parler la haine qui a conduit à cette tentative de suicide. Il vise ainsi la résistance du surmoi qui, féroce et obscène, se déchaine sur le moi de l’être souffrant et alimente son besoin de punition. Il utilise aussi la technique de l’écarteur – « faites un tour et revenez parler vos pensées » – favorisant ainsi une ouverture vers l’inconscient pour que la parole trouve un effet apaisant et désaliénant.
Le RPH – École de psychanalyse propose, en réponse aux besoins de la population française et aux difficultés rencontrées par les services publiques, un dispositif efficace contre le suicide. S’associant à des services hospitaliers d’urgence, il propose que chaque malade hospitalisé pour une tentative de suicide puisse, s’il le souhaite, contacter le Service d’Écoute Téléphonique d’Urgence (le SÉTU ?) – joignable 7/7 et 24h/24h au 01.45.26.81.30 – dès la sortie de l’hospitalisation. Ainsi, il aura la possibilité de rencontrer un clinicien pour engager une psychothérapie voire une psychanalyse, et ce quels que soient ses moyens financiers. Un constat d’efficacité : en 2016, le RPH – École de psychanalyse a assuré 37 724 consultations et aucun malade, patient, psychanalysant suivi par les cliniciens du réseau ne s’est suicidé. Un dispositif qui montre donc bien que la psychanalyse, loin d’être obsolète ou vaine, a toute sa place pour soulager la détresse des français.
[1] Observatoire national du suicide. Suicide : connaître pour prévenir. Dimensions nationales, locales et associatives, 2016.
[2] Freud, S. (1917) Deuil et mélancolie, in Métapsychologie, Gallimard, La Flèche, 2008, pp. 145-71.
[3] Freud, S. (1920) De la psychogenèse d’un cas d’homosexualité féminine, in Œuvres Complètes, Vol XV, PUF, Paris, 2002, p. 252.
[4] Amorim (de), F. Tentative d’une clinique psychanalytique avec les malades et les patients de médecine, RPH, Paris, 2008.