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Quand se termine une psychanalyse ?

Lucille Mendes
Paris le 24 septembre 2017

La psychanalyse est un traitement psychique qui vise à soulager l’être prisonnier de ses souffrances, de ses inhibitions, de ses symptômes. Elle met à jour les conflits psychiques inconscients qui en sont à l’origine et accompagne l’être dans leur résolution. Ce bout de savoir inconscient, que le psychanalysant acquiert par la traversée de sa cure, lui permet finalement de se libérer de son mal-être et de devenir sujet.

La psychanalyse est un processus qui prend du temps et demande un engagement important car il se heurte régulièrement aux résistances tenaces de l’être en souffrance. Ainsi, il n’est pas rare qu’un psychanalysant veuille « arrêter » sa cure mais comment savoir s’il y a sortie, sabotage ou abandon de la cure ?

Dans une brève du 26 juillet 20171, Amorim indique que le sabotage est « l’expression de la haine de la résistance du surmoi ». Cette résistance, silencieuse, agit comme « un ralentissement, une déviation de la voie royale de la cure ». Elle se manifeste par le non-respect de la règle fondamentale, des retards fréquents, le paiement irrégulier des séances, etc. L’abandon est « l’expression de la jouissance de l’Autre non-barré ». Le psychanalysant quitte le bateau de la cure car il n’est pas prêt à savoir sur son désir inconscient et à construire sa vie en renonçant à la jouissance qu’il tire de ses souffrances.

M. U. et Mme C. sont en psychanalyse. M. U. en s’installant : « J’ai trouvé un boulot. Je me sens plus que mieux, comme si les portes étaient ouvertes. La psychanalyse m’a changé. Je me dis que, comme je me sens mieux, donc ça sert plus à rien que je vienne ». Mme C. en s’allongeant : « J’ai décidé d’arrêter. Maintenant, je ne suis plus sûre que ma vie sera une lutte. Il y a d’autres chapitres qui arrivent. Je me sens apte à repartir d’un bon pied ». Sortie ? Sabotage ? Abandon de la cure ? Freud indique qu’il y a sortie de psychanalyse quand le patient ne souffre plus de ses symptômes et qu’il a surmonté ses angoisses2. Ainsi, après examen clinique, M. U. et Mme C. n’ont pas fini leur psychanalyse car ils souffrent encore tous deux. Pour M. U., il y a sabotage, c’est sa haine vis-à-vis de lui-même qui l’incite à quitter la cure au moment même où il commence à en sentir des effets bénéfiques tandis que pour Mme C., il y a abandon par refus de savoir et de la castration.

Résistances, haine, jouissance concernent évidemment aussi les supposés-psychanalystes, selon l’appellation de la cartographie du RPH3. Freud parlait d’ailleurs d’analyse infinie pour les psychanalystes en préconisant leur retour sur le divan de façon périodique4. Le RPH invite ainsi tous ses membres cliniciens à ne jamais abandonner la position de psychanalysant tant qu’ils exercent leur pratique clinique, la visée étant de protéger de leurs propres empêchements les patients et les psychanalysants qu’ils reçoivent.

1 Amorim (de), F. Du sabotage à l’abandon, 2017, http://www.fernandodeamorim.com/details-du+sabotage+a+labandon-376.html.
2 Freud, S. (1937) L’analyse finie et l’analyse infinie, in Œuvres Complètes, Vol XX, PUF, Paris, 2010.
3 Amorim (de), F. (2008). Tentative d’une clinique psychanalytique avec les malades et les patients de médecine, RPH, Paris.
4 Freud, S. L’analyse finie et l’analyse infinie, op. cit.