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Témoignage

 

Témoignage

Julie Mortimore 
Paris, le 21. X. 2013

J’irai à l’essentiel dans ce témoignage concernant ma pratique, en tant que clinicienne en libéral, car ce qui nous concerne ici est politique. L’essentiel se résume aux deux voies ouvertes et proposées par, et seulement par, le RPH (Réseau pour la Psychanalyse à l’Hôpital), et plus exactement par Mr Fernando de Amorim :

Proposer une autre voie aux étudiants et jeunes diplômés de psychologie : celle de la clinique en libéral, leur permettant une autonomie financière si leur désir est là d’assumer ce qu’exige la position de psychothérapeute et/ou de psychanalyste.

Permettre à toutes personnes en détresse de rencontrer un professionnel pour parler et soigner sa souffrance psychique.

Cela ne se trouve nulle part ailleurs qu’au RPH, car nulle part ailleurs, quelqu’un a laissé sa chance, l’espace et l’encadrement aux jeunes de se former véritablement à la clinique, j’entends par là en recevant des patients. C’est le pari qu’a fait Mr Fernando de Amorim, pari réussi puisque nous sommes tous là à en témoigner. Nous gagnons notre vie, et nous la gagnons bien, en faisant ce métier dont Freud disait qu’il était un des métiers les plus difficiles. Je n’en suis pas certaine qu’il soit plus difficile qu’un autre, mais ce que je sais c’est que pour y trouver du plaisir et être efficace, il faut s’accrocher à sa cure psychanalytique personnelle et à une formation exigeante comme le propose le RPH. Rien ne se construit sans ce désir-là. Et c’est par engagement pour la psychanalyse, pour ce qu’elle nous a apporté au plus profond de nous-même, par engagement vis-à-vis de la société également que je fais ce métier avec plaisir, tôt le matin jusqu’à tard le soir, 6 jours par semaine. Et c’est bien cela que je souhaiterai mettre en avant plus particulièrement pour ce débat, l’aspect sociétal de notre travail, car en effet, notre travail et notre désir à tous ici membres cliniciens s’inscrivent dans une visée bien plus large que celle de permettre à l’être de se réconcilier avec son existence.

Bien sûr, au premier plan, il s’agit de ramener le patient vers la vie, vers son désir, et cela se joue au niveau le plus intime de l’être. Il n’y a plus grande satisfaction pour un clinicien que de voir l’être grandir, s’épanouir, se tourner vers la vie plutôt que vers la haine et la destruction. Mais notre conception de la cure est bien plus large. L’effet d’une cure a des répercussions non seulement sur l’être, mais sur tout ce qu’il peut détruire autour de lui, et nous savons, nous cliniciens, ô combien est présente la destructivité dans notre clinique ! Une personne apaisée grâce à sa psychanalyse nourrira des relations saines avec son entourage, son travail, la cité en général. Nous sommes tous confrontés aux mêmes incidences que peuvent engendrer des personnes en souffrance et ces incidences touchent directement l’État et ses contribuables : consommation de médicaments, délits, crimes, arrêts maladies, errances etc.

Notre souci au RPH n’est pas seulement de proposer une voie pour que la parole s’exprime chez celui qui a les moyens de venir régler (dans tous les sens du terme) ses conflits psychiques. Notre souhait, tel fut celui de Freud à son époque, est de pouvoir élargir le concept de notre CPP (Consultation publique de psychanalyse) afin de permettre à chacun et chacune dans la détresse de venir apprendre à prendre soin de lui-même, de l’autre, de la société en général, et ce, quelques soient ses moyens financiers.

Il est urgent de pouvoir mettre à disposition des lieux d’écoute, tel que celui de la CPP, afin que des jeunes psychologues ou encore étudiants, qui ont le désir de se former avec exigence à la psychanalyse, puissent recevoir des patients, acquérir de l’expérience, et bientôt se créer leur patientèle tout en mettant à disposition un lieu d’écoute pour tous ceux qui ont le besoin et surtout le désir de venir en apprendre sur eux-mêmes.

Notre proposition est claire, et répond à deux constats évidents :

Ouvrir des lieux pour que la souffrance psychique humaine puisse trouver un lieu de parole et de soin.

Permettre à des jeunes qui ont fait cinq ans d’études universitaires, avec quasiment aucune expérience clinique et aucun débouché professionnel, de trouver une véritable voie qui tienne la route et ne pas gonfler les chiffres du chômage.

Il appartient aux politiques d’entendre ces deux constats là, car c’est ce dont la population a besoin, que ce soit celle qui souffre ou celle qui subit la souffrance des autres. Il appartient aux politiques de penser une autre voie de traitement psychique, afin que chacun puisse venir parler sa haine et ne pas la faire subir aux autres. Et notre voie à nous, au RPH, ne coûterait pas un centime à l’Etat, bien au contraire. Nous l’assumons de notre désir, et de notre enthousiasme, pour une clinique vivante !