Témoignage
Julien Faugeras
Paris, le 21. X. 2013
Quand j’ai reçu le mail de Marie-Hélène qui demandait aux cliniciens de l’association de témoigner de leur travail, ma première réaction fut de me dire que je n’avais pas le temps de m’y consacrer. Entre mes consultations qui me prennent toute la journée et la préparation de notre prochain colloque sur la sexualité féminine, je ne voyais pas à quel moment je pouvais témoigner de mon expérience. Puis je me suis dit que c’est justement de ça dont il s’agit, c’est grâce à ma formation au sein du RPH que je peux aujourd’hui exercer un travail que j’aime et qui occupe toute mes journées et quelques-unes de mes soirées.
Mon aventure au sein de l’école a commencé par la rencontre d’un psychanalyste du RPH. J’avais fréquenté auparavant deux personnes qui se disaient « psychanalyste » et je n’ai pas pu observer les mêmes effets que ce que la psychanalyse freudo-lacanienne a pu m’apporter. Comme je pouvais régler les séances en fonction de mes moyens et que celles-ci produisaient des effets importants, je me suis beaucoup investit dans ma psychanalyse, ce qui ne tarda pas à porter ses fruits.
Ainsi, grâce à l’éveil de mon désir produit par ma psychanalyse et grâce au RPH, j’ai pu commencer à me former au sein de l’école et à recevoir des patients alors que j’étais encore sur les bancs de l’université : non seulement j’ai pu constater la difficulté de l’exercice de la profession et l’exigence qu’il requiert, mais j’ai surtout commencé à me former à une clinique qui ne s’apprend véritablement que sur le terrain. C’est justement ce qui fait cruellement défaut à la faculté : les étudiants sont bercés d’une illusion qui n’a pas grand chose à voir avec la réalité de la profession. Pendant que bon nombre de mes camarades s’interrogeaient sur le thème du prochain examen pour obtenir une bonne note, je me posais des questions cliniques afin de mieux assurer les cures dont le RPH m’avait confié la responsabilité.
Grâce à mon investissement dans l’association : la participation aux colloques, aux séminaires, aux réunions cliniques, les consultations à la CPP et les supervisions, j’ai pu décrocher assez jeune un poste dans un CMP de l’hôpital Sainte-Anne. Cependant, je n’y retrouvais pas cette même qualité clinique que je pouvais trouver à la CPP. Le travail y était à mon sens perturbé par de nombreux éléments qui témoignent de l’importance, si ce n’est de la nécessité pour les psychistes de poursuivre leur psychanalyse, voir de la commencer : ainsi, entre les guerres de pouvoirs, les directives qui s’éloignent de la clinique pour se rapprocher bien plus de la rentabilité des industries pharmaceutiques, les problématiques horaires et administratives qui empêchent parfois d’assurer un travail de qualité, je décidais de mettre fin à cette expérience pour me consacrer exclusivement à ma consultation privée et à la consultation publique de psychanalyse.
Aujourd’hui, j’assure pour la CPP une centaine de consultations par semaine. Je suis tous les jours dans le bain d’une clinique que je trouve particulièrement riche, avec tout type de patients et de psychanalysants, qu’ils soient névrosés, pervers ou psychotiques, qu’ils soient riches ou pauvres, je m’attèle à faire au mieux mon travail en poursuivant ma formation au sein de l’école.
Avec un peu de recul, je me rends compte que le métier de psychanalyste nécessite une finesse et un savoir faire qui me font penser à l’excellence que l’on peut légitimement attendre de l’acte d’un neurochirurgien. Mais la précision de ce doigté ne s’acquiert pas dans les livres ni dans un terrain contaminé par toute sorte de contingence extérieur, mais sur le bloc opératoire, à savoir, dans le cabinet du psychanalyste.
A force de me confronter jour après jour à une clinique intensive, à ma propre psychanalyse et aux joyeuses réunions que nous avons avec nos collègues du RPH, je peux dire en toute humilité que le métier commence à rentrer. C’est donc au RPH que je dois cette possibilité de pouvoir exercer aujourd’hui un travail de qualité, de pouvoir, aujourd’hui, bien gagner ma vie en exerçant une profession qui m’anime du matin au soir. Je profite donc de cet appel lancé par Marie-Hélène pour saluer son travail, pour la remercier chaleureusement, ainsi que Fernando de Amorim, qui maintient le cap malgré les nombreuses tempêtes, et tous mes collègues de l’association avec qui nous partageons avec entrain cet apprentissage rigoureux de la clinique psychanalytique.