Édith de Amorim
Paris, le 14. XI. 2011
Une autre lecture de la crise
La dette exige qu’on l’éteigne, vite ! Pour ce faire, il n’y a plus rien – pour les dirigeants de tout poids – qui vaille mieux que l’idée du « sacrifice » dictant la conduite d’une politique de rigueur !
Sacrifice ? Une question alors s’impose : quelle divinité tentent-ils ainsi de se concilier ?
A entendre Monsieur Georges Papandréou, ex-premier ministre grec, dans ses déclarations de la fin septembre 2011, « Nous faisons les sacrifices nécessaires… » ; on pourrait niaisement se laisser aller à croire que ce « nous » est homogène mais puisqu’il s’agit de « sacrifices » on est en droit de comprendre que ce « nous » ne concerne pas tous les Hellènes mais uniquement ceux qui, parmi eux, se sont régalés grassement à la mamelle de Maman Europe !
Les sacrifices sont à entendre comme manœuvres conciliatoires envers la divinité européenne afin que reprennent les habitudes, fort appréciées, de quelques-uns de la classe politique ! Pour les autres, ça ne change effectivement pas grand-chose, habitués qu’ils sont à serrer toujours davantage une ceinture qui n’a plus de trous depuis longtemps !
A entendre Monsieur Nicolas Sarkozy, Président de la République française, dans son discours récent du 11 novembre 2011 – le premier sans survivant de la Grande Guerre – qui y va lui aussi de son sacrifice au nom du bien commun (Cf. « Les Echos » sur l’internet, article du 9/11 de G. Tabard, « De la rigueur au 11 novembre où l’éloge du sacrifice ») on peut, là encore, faire ce pari que l’emploi de ce signifiant – comment l’appeler autrement ? – emporte l’idée que Maman Nation a un giron que son enfant premier n’entend pas quitter de sitôt !
Sacrifice ? Le mot a, bien sûr, une autre acception que celle religieuse qui autorise tout autant la question quant à ce bien, cet intérêt, supérieurs tous deux, mais qui sont plus supérieurs à quelques-uns qu’aux nombreux autres ! Et la question est : comment oser parler de sacrifice au personnel des grandes sociétés – on pense à Orange, alias France Télécom, par exemple – qui n’a pas attendu les effets de la crise pour se balancer par la fenêtre tant la politique salariale sévissant à l’intérieur des grands groupes était abjecte ? Le supérieur du bien commun s’il existe bel et bien a à souffrir du détournement et pas seulement symbolique mais bien réel au profit de patrons, d’actionnaires bien installés, là encore, sur les genoux de la maman sociétaire !
Cette crise peut être l’heureux temps de la fin de la Société de Maman ! Qu’on l’appelle européenne, nationale ou Alcatel ! La maman qui n’en finit pas de se réjouir d’être aimée de ses enfants qu’elle s’acharne à maintenir poussins en les gavant !
Cette crise nous engage, nous encourage à ne plus avoir des yeux de Chimène pour cet état de nourrissage : ne portons pas le deuil de la maman vorace et ravageuse ! Dans les coups qu’assène cette crise, choisissons ceux qui permettent de nous engager sur la voie de la castration, seule à ouvrir sur un horizon de maturité ; si on ne fait place qu’à la frustration il est à craindre que ces souffrances n’expriment que regrets des temps de fils et filles à Maman !